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Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 9 février 2023 à 15h00
Protection des enfants victimes de violences intrafamiliales — Présentation

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

« Le foyer familial doit être érigé en sanctuaire protecteur au sein duquel il ne saurait être accepté la moindre violence. » Cette directive ferme et sans ambiguïté est celle que j'ai adressée à tous les procureurs de France dans ma dernière circulaire de politique pénale générale en septembre dernier. Oui, la protection des mineurs exposés aux violences intrafamiliales est une priorité absolue de ma politique pénale. C'est un enjeu de société qui nous touche et qui doit tous nous mobiliser. La vulnérabilité des mineurs rend particulièrement intolérables toutes les atteintes commises à leur encontre, qu'ils soient victimes ou témoins dans la sphère intrafamiliale.

Notre engagement collectif et transpartisan doit élever à un niveau supérieur la protection des enfants, cause majeure portée par le Président de la République. La Ciivise – la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants – a évalué à plus de 160 000 le nombre d'enfants victimes chaque année de violences sexuelles ; un enfant meurt tous les cinq jours de violences intrafamiliales selon un rapport rendu par plusieurs inspections en 2018. Lorsque le foyer familial n'est plus un lieu de paix, lorsque l'enfant est témoin ou victime de violences, il est en danger et la justice doit intervenir rapidement et efficacement pour le protéger. Nous disposons de deux outils puissants : l'arme du droit pénal et les dispositions du droit civil.

Dans ma circulaire de politique pénale générale de septembre dernier, j'exhorte les parquets de France à avoir une vigilance constante dans le traitement des procédures ouvertes en cette matière afin d'assurer, sans délai, la mise en œuvre des mesures de protection et la conduite des investigations nécessaires par des services d'enquête – le plus souvent spécialisés – mobilisés sur cette politique interministérielle majeure. Pour aller encore plus loin, je vous annonce une circulaire imminente de politique pénale spécifiquement dédiée à la lutte contre les violences faites aux mineurs qui défendra une politique ferme en cette matière, notamment au niveau des peines. Il s'agit de privilégier les déferrements pour les violences à caractère sexuel et pour les violences commises dans un cadre intrafamilial car il est nécessaire d'éloigner rapidement le mis en cause de l'environnement du mineur.

L'autre levier est bien sûr le droit civil : je pense notamment à la nécessité de remettre en cause l'autorité parentale du parent qui se révèle défaillant. Le texte de la députée Santiago dont nous débattons aujourd'hui a pour objet l'attribution de l'autorité parentale.

De quoi parlons-nous précisément ? L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, dans sa santé et sa moralité afin d'assurer son éducation et de permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Cette autorité est conférée au parent du simple fait de l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de l'enfant.

Mais être titulaire de l'autorité parentale ne signifie pas pour autant en avoir l'exercice : le droit civil prévoit en effet que si la filiation est établie à l'égard de l'un des parents plus d'un an après la naissance de l'enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale ; il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant. Il y a donc une distinction importante à faire entre la titularité de l'autorité parentale, qui permet au parent d'être tenu au courant des choix importants concernant son enfant sans être associé à la prise de décision, et l'exercice de l'autorité parentale, qui permet au parent d'accomplir pour son enfant tous les actes de la vie quotidienne, de son inscription à l'école au choix de son lieu de vie.

J'insiste sur cette distinction parce qu'elle sera très certainement au cœur de nos débats. L'autorité parentale est donc un outil important pour écarter le parent maltraitant de la vie de l'enfant.

Nous ne partons pas de rien. Je vous épargnerai la litanie des modifications des articles 378 et suivants du code civil, qui démontre, si besoin en était encore, la préoccupation du législateur en la matière.

Je m'arrêterais simplement sur la dernière réforme, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, qui a précisé l'office du juge.

L'état de notre droit positif repose sur un double mécanisme : une obligation pour les juridictions pénales de statuer sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice lorsqu'un père ou une mère sont condamnés pour un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, par leur enfant, ou sur la personne de l'autre parent ; une suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale pour six mois en cas de poursuite pour homicide volontaire sur l'autre parent, à charge pour le procureur de saisir le juge aux affaires familiales.

Les débats que nous entamons révèlent que ces dispositifs peuvent encore être améliorés et c'est précisément ce que nous allons faire.

Je veux donc saluer votre travail, madame la rapporteure, et celui de la commission des lois, et en particulier les députés Éric Poulliat, Erwan Balanant et Marie-Agnès Poussier-Winsback. Ces travaux ont étroitement associé la toute nouvelle délégation aux droits des enfants de votre assemblée. Qu'il me soit permis de remercier sa présidente, Perrine Goulet, et la députée Nicole Dubré-Chirat.

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