Quelque chose est à comprendre de ce qui est en train de se passer, une donnée à intégrer, même pour des néolibéraux : le droit à la retraite est un droit intouchable ; il est dans le socle fondamental. La volonté populaire est de le protéger, de le bichonner, de le sacraliser. Le Gouvernement, qui le sait bien, parle de justice, de progrès et d'équilibre, et prétend vouloir le sauver. Si c'était vrai ! Tout le monde a bien compris que le contenu n'est pas conforme à l'emballage. Le Gouvernement, qui le sait bien, a décidé d'accélérer et de passer en force.
Parce que, pour vous, choix de société et choix comptables se confondent, comme en témoigne d'ailleurs le fait que vous présentiez un texte budgétaire, le message envoyé au Parlement est clair : de toute manière, nous ferons ce que nous voulons, comme d'habitude. Alors, de quoi et pourquoi allons-nous discuter, puisque l'essentiel du projet – le report de l'âge de départ et l'allongement de la durée de cotisation – ne sont, nous a-t-on dit, pas négociables ? Des petites décorations insignifiantes qui ont été ajoutées autour ? La dernière en date, annoncée dans la presse hier, confirme à quel point vous êtes paniqués.
L'honnêteté m'oblige à préciser que, pour nous non plus, ce n'est pas négociable : nous ne voulons pas de ce projet et rien ne pourra le rendre acceptable. Ne soyez pas fiers. Ne vous racontez pas d'histoires. Ne vous dites pas que vous agissez pour le niveau de vie des retraités : la réforme n'en traite presque pas. Ne vous dites pas que vous allez sauver le système : vous allez le fragiliser. Ne vous dites pas que vous allez mieux prendre en considération la pénibilité, la situation des femmes, les carrières longues ou encore les difficultés dans les outre-mer : ce sera au mieux le statu quo – et quand bien même vous feriez tout cela, regardez quel serait le prix à payer ! Ne vous racontez pas que c'est un mal nécessaire.
Demandez-vous si vous voulez vraiment obliger les femmes et les hommes de ce pays à travailler deux ans de plus. Combien nous disent, avant même d'être arrivés au bout de leur vie professionnelle, qu'ils n'en peuvent plus ? Ils se disaient : « Quand je serai à la retraite… » ; désormais, ils se demandent : « Quand serai-je à la retraite ? »