Faut-il qu'ils croient à des droits tout rabougris, en forme de matelas de camping pour amortir la chute car, quel que soit leur talent, ils ne pourront pas tous devenir une star de la musique ou du ballon ? Est-ce cela la promesse ?
À ce stade, le projet libéral est un système par répartition réduit à un filet de sécurité, juste pour donner le change. Le nombre d'actifs par retraité baisse, disent les pourfendeurs du droit, comme si c'était suffisant pour renoncer, en se défiant au passage de la prudence des démographes. Notre société, où la productivité du travail augmente de façon continue et où le prétendu coût du travail est allégé d'année en année, n'a-t-elle pas les moyens de préserver un vrai droit ? Où vont les richesses supplémentaires produites ? Dans les salaires ou les retraites ? Non, elles vont principalement dans la grande poche sans fond des actionnaires : 10 milliards d'euros de plus en 2021 pour ceux du CAC40, ce qui suffirait à faire passer le cap de la période 2028-2032 à notre système de retraite.
Ne pouvons-nous pas, si nous tenons à ce droit, choisir d'y consacrer une part plus importante des richesses ? C'est un choix politique, un choix de société. Le besoin de financement existe, mais il n'a rien à voir avec ce qu'en dit le Gouvernement, se mettant les mains sur la tête et poussant de hauts cris pour nous proposer l'amputation pure et simple. L'Union européenne nous demande de limiter nos dépenses publiques et sociales. Le déficit, de 3 % au plus fort de la courbe, est finançable. Il l'est d'autant plus que, depuis des années, on a fait le choix d'assécher les ressources de la sécurité sociale. Le Gouvernement a choisi de taper à nouveau dans les retraites car elles représentent le quart du total. On en crève du libéralisme !
De nombreuses pistes restent à étudier pour qui voudrait sincèrement garantir le droit à la retraite. C'est d'ailleurs la seule question qui vaille : comment garantir ce droit ? Toutes ces pistes ont été écartées car on veut faire payer les salariés pour toucher un double jackpot : deux ans de plus à cotiser pour ceux et celles qui le pourront ; deux ans de pensions économisées. Décaler l'âge et augmenter la durée de cotisation nécessaire revient à réduire la durée de la retraite en bonne santé d'un grand nombre de personnes, voire à la supprimer. L'espérance de vie en bonne santé se situe à 63 ans. L'âge légal de départ sera porté au-delà de cet âge : ce sera la retraite pour se soigner, par forfait, quand on est au bout du rouleau.
Le Gouvernement veut nous voler nos meilleures années de retraite. Chacun peut mesurer ce que représente à l'échelle d'une vie le fait de travailler deux ans de plus : c'est 10 % d'une retraite en moyenne. Tout le monde va passer à la caisse. Comme nous sommes inégaux devant l'existence et le travail, le prix à payer sera plus fort pour certains, encore plus pour certaines, particulièrement en outre-mer. Vous n'allez rien sauver du tout. Le monde du travail a d'ailleurs bien compris la gravité de ce projet. Les organisations syndicales s'y opposent ; le pays est en colère, descend dans la rue et se cabre. Ce projet n'a pas de majorité populaire.