Je tâcherai d'être aussi concis que possible. Du point de vue réglementaire et du point de vue de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), les activités de recyclage en France doivent être prolongées jusqu'à 2040. À cet égard, la perspective offerte par le nouveau nucléaire France double quasiment les volumes que La Hague devrait traiter d'ici là.
Dans cette usine, il ressort des réacteurs nucléaires d'EDF près d'un camion de combustible usé tous les deux jours, soit à l'année 200 camions transportant un total de 1 000 tonnes. Ces combustibles usés sont découpés en morceaux pour accéder à la matière située à l'intérieur, qui est ensuite dissoute. Les 4 % de déchets ultimes sont conditionnés dans une matrice de verre, et la structure métallique de l'assemblage est également conditionnée. Au total, l'ensemble de ces déchets vitrifiés représente 200 mètres cubes par an ; plusieurs années sont donc nécessaires pour remplir l'équivalent d'une piscine municipale.
De son côté, le plutonium récupéré à hauteur de 1 % est acheminé vers l'usine gardoise de Melox, à proximité du CEA de Marcoule, afin de fabriquer – via une dilution d'un facteur dix – du combustible mox, dont nous produisons 100 tonnes par an à pleine capacité – 60 tonnes en 2022.
Enfin, 95 % des matières récupérées sont de l'uranium de recyclage, historiquement recyclé dans la centrale de Cruas pour nos clients belges, allemands ou suisses, et actuellement entreposé dans les réacteurs d'EDF en attendant son recyclage pour la France.
Compte tenu des pressions économiques des dernières années, nos opérations de recyclage ne sont plus destinées qu'à EDF. Nous soldons nos contrats historiques avec nos clients allemands et procédons aux derniers retours de déchets. Les opérations à l'export permettent d'absorber les coûts et d'améliorer la rentabilité, mais la pression économique de l'ARENH a conduit à ce que le prix de ces prestations de recyclage évolue moins favorablement que l'ARENH, de même qu'elle nous a conduits à décaler des opérations de maintenance ou d'investissement. Il est donc important d'augmenter à nouveau les investissements et de nous accorder avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), EDF et le Gouvernement sur les opérations à réaliser pour maintenir des opérations fiables jusqu'en 2040. Si La Hague a réalisé 95 % de son programme sur la période 2016-2023, le pourcentage de réalisation de Melox est très inférieur, confirmant ainsi le besoin de remonter en capacités. Cela induit d'augmenter les capacités d'entreposage de combustible usé, puisque certains combustibles ne sont pas recyclés.
Les combustibles utilisés dans les EPR et dans le parc existant sont globalement similaires à ceux que nous recyclons aujourd'hui : nous pouvons donc assurer une continuité technologique à l'usine de La Hague au-delà de 2040. La décision devra toutefois être prise durant le présent quinquennat, dans la mesure où douze à quinze ans sont nécessaires pour la conception, l'autorisation et la construction d'une installation complexe. C'est bien entre 2023 et 2025 que les choix relatifs au recyclage devront être opérés et que les priorités en matière d'investissement et de maintenance devront être déterminées, que ce soit d'ici 2040 ou pour préparer l'après-2040. Nous savons quels combustibles usés seront à traiter et quels réacteurs devront être adressés à horizon 2040, mais si d'autres réacteurs arrivent d'ici 2050/2060, nous devrons prévoir la R&D pour adresser de nouveaux combustibles, qu'il s'agisse de combustibles résistant aux accidents pour les réacteurs existants ou de combustibles pour réacteurs avancés.
Trois phases sont donc à prévoir : le surcroît de maintenance jusqu'à 2040 ; la prolongation du recyclage des combustibles des réacteurs existants au-delà de 2040 ; la préparation du cycle de très long terme. Pour cette troisième phase, nous devrions dès maintenant déterminer les programmes de R&D à prioriser pour décider, à horizon 2030/2035, ce que sera la réalité nucléaire française de 2050/2060.