Rappelons à nouveau que 100 grammes d'uranium équivalent à 1 tonne de pétrole. Les stocks disponibles chez les clients et aux différents niveaux de la chaîne représentent plusieurs années de consommation. Si l'une des sources d'approvisionnement représentant 20 à 30 % venait à défaillir, nos autres sources d'approvisionnement et nos deux ans de stocks nous permettraient de gérer une décennie et nous donneraient le temps de nous retourner. Il s'agit bien entendu de chiffres moyens, et les clients n'aborderont pas pareillement la situation suivant leur niveau de stocks. Si nous sommes vigilants aux aspects géopolitiques, nous savons aussi que les réserves d'uranium naturel se trouvent à 40 % dans des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce qui constitue un amortisseur non négligeable. Par ailleurs, l'équilibre entre intérêt économique de court terme et intérêt de stabilité de long terme fait que nous étions tout à fait d'accord avec la mise sous cocon de la mine McArthur au Canada : dès lors que les conditions de marché sont mauvaises, il est préférable de conserver une réserve sûre pour le long terme. Quoi qu'il en soit, la diversité de nos sources d'approvisionnement – tant en termes géographiques que de partenaires mondiaux ou de technologies – nous permet d'être sereins par rapport à notre sécurité à court terme, pour cet hiver comme pour le prochain.
Au-delà du critère volume, je souhaiterais insister sur le critère économique. Lorsque vous produisez de l'électricité dans une centrale à gaz, le coût du gaz – même lorsqu'il était plus abordable – représente l'essentiel du coût du mégawattheure. Dans une centrale nucléaire, l'essentiel du coût est dans la centrale elle-même, ce qui explique que la valeur ajoutée est essentiellement dans le pays hébergeant la centrale. À l'inverse, l'uranium naturel ne représente que quelques pourcents – soit quelques euros – du coût d'un mégawattheure nucléaire. Même si vous multipliez le coût de l'uranium par quatre ou cinq, ce dont nous rêverions, vous n'allez pas révolutionner le prix de l'électricité nucléaire.
Vous avez évoqué à juste titre le développement du nucléaire, étant entendu que nous aurons besoin de cinq à dix fois plus d'électricité décarbonée d'ici 2050, avec au moins un facteur deux pour le nucléaire selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Il est donc vrai que nous aurons besoin de plus de ressources, mais les réserves et ressources d'uranium sont aujourd'hui estimées à un siècle, y compris avec l'agrandissement du parc nucléaire. À long terme, je n'anticipe pas de hausse du prix de l'uranium aussi forte que celle ayant récemment affecté d'autres ressources naturelles ; historiquement, la livre d'uranium oscille entre 20 et 120 dollars, pour un prix actuel de 50 dollars. Bien entendu, l'augmentation de la demande à horion 2030/2040 conduira à une consommation accrue d'uranium, ce qui nécessitera l'ouverture de nouvelles mines. Cela dit, pour un électricien opérant une centrale nucléaire, passer de 20 à 50 dollars la livre d'uranium ne révolutionnera pas le coût de son mégawattheure.