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Intervention de Corinne Lepage

Réunion du mardi 10 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Corinne Lepage :

Tout d'abord, je suis seulement avocat et je défends ce qu'on me demande de défendre. Ainsi, je suis tributaire des personnes qui me demandent de prendre leur dossier en charge et il est vrai que j'ai eu peu de dossiers concernant la fermeture d'usines à charbon au long de ma carrière. Gardanne est le seul cas dont je me souvienne.

Ensuite, vous avez raison, a priori, il n'existe pas de raison d'opposer énergies renouvelables et nucléaires. Cependant, en réalité, l'état du parc renouvelable français atteste de notre incapacité à les faire coexister.

Le marché de la consommation électrique français stagne, malgré l'exportation. En augmentant la part du renouvelable de manière trop significative, l'énergie nucléaire devient encore plus difficile à vendre sur le marché européen, qui est organisé pour favoriser les énergies renouvelables. Il nous est même arrivé de vendre notre électricité nucléaire à perte sur le marché européen.

Ces problèmes me sont apparus concrètement dans le cadre de l'opposition aux éoliennes. J'ai écrit deux livres sur le sujet et je pense que nous ne parviendrons pas à concilier nucléaire et renouvelable, car, financièrement, il est impossible d'atteindre un objectif de 40 ou 50 % de renouvelable tout en développant le programme nucléaire et le Grand Carénage, avec la question des déchets et la dette actuelle d'EDF. Je ne pense pas que nous possédions le montant nécessaire.

Enfin, quand j'étais ministre de l'environnement, je n'ai jamais été inquiète pour la sûreté de nos installations nucléaires compte tenu de notre niveau de compétences et de sérieux. Or, tel n'est plus le cas depuis plusieurs années. Le président de l'ASN a reconnu la possibilité d'un accident nucléaire en France seulement en 2011, après l'accident de Fukushima.

Lors de la construction des premières centrales, nous nous appuyions sur le rapport Rasmussen qui indiquait que le risque était d'un accident tous les 22 000 ans sur la planète. Nous avons vécu sur cette affirmation et l'idée d'un accident nucléaire en France était absolument inenvisageable.

Ce n'est qu'en 2010 ou 2015 que nous y avons réfléchi et que nous avons évalué les coûts en cas d'accident nucléaire. Aujourd'hui, j'ai beaucoup insisté sur la question économique et financière, parce qu'il s'agit de l'élément le plus important selon moi dans le choix énergétique, mais la question du risque ne doit pas être totalement passée sous silence ; la réponse aux risques est aussi une question d'investissement. L'accident de Fukushima a eu lieu en 2011 ; les stress tests ont été réalisés en 2012. Nous sommes en 2023 et toutes les mesures post-Fukushima ne sont toujours pas mises en place dans l'ensemble de nos centrales françaises.

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