Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 15h05
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes :

Je respecte les politiques et la politique, que j'ai pratiquée dans une autre vie. Je sais donc ce que la Cour des comptes n'est pas : elle n'est un appendice ni de l'exécutif, ni du législatif. Nous sommes à équidistance entre le gouvernement et le parlement. Nous sommes là pour éclairer le débat public, ce qui ne nous confère un rôle ni de pouvoir, ni de contre-pouvoir, mais un rôle d'influence, qui est certain. Nous sommes une institution de la République respectée par les Français, souvent entendue, mais le politique reste libre de s'emparer ou non de nos travaux. En moyenne, 78 % de nos recommandations sont suivies.

Elles le sont particulièrement sur le sujet de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Il s'agit là d'un modèle original : nous sommes en quelque sorte « embarqués », nous travaillons en continu avec les pouvoirs publics et sommes forcément informés en temps réel. Nous sommes donc partie prenante du processus de décision. Encore une fois, nous ne prenons pas la décision, mais nous contribuons fortement à celle-ci

La question de l'héritage, notamment en Seine-Saint-Denis, est importante. Compte tenu des investissements réalisés, les Jeux constituent de fait l'occasion d'accélérer le développement des territoires qui accueillent cette manifestation. Ceci est particulièrement le cas en Seine-Saint-Denis, où un effet de rattrapage est attendu, avec l'ambition affichée de réduire les inégalités sociales et territoriales.

À cet égard, on ne peut pas dire que ce département ne bénéficiera pas des Jeux, puisque 1,1 milliard d'euros d'argent public sera investi en faveur d'opérations de renouvellement urbain. Ainsi, 80 % de l'investissement de la Solideo est dirigé vers la Seine-Saint-Denis, qui accueille deux tiers des opérations portées par l'établissement public. À titre d'exemple, la construction du village des athlètes concerne une cinquantaine d'hectares reconvertis après les Jeux en 2 800 logements pérennes (dont un quart de logements sociaux) et en commerces (100 000 mètres carrés de bureaux et de services). Six mille habitants et six mille salariés y sont attendus.

La construction du village des médias au Bourget devrait permettre d'accueillir 1 300 logements après les Jeux. Il convient également de mentionner la construction de lieux et de sites d'entraînement, la rénovation d'équipements sportifs, la construction du hall 3 du parc des expositions du Bourget. En outre, la réhabilitation après désamiantage de la tour Pleyel permettra d'installer des bureaux et un hôtel quatre étoiles. Enfin, des aménagements de l'espace public doivent être relevés, qu'il s'agisse de l'aménagement des bords de Seine pour les vélos et les piétons, de l'enfouissement des lignes haute tension au nord du village olympique, du mur anti-bruit au-dessus de l'A86 ou du franchissement urbain Pleyel.

S'agissant de l'héritage, nous ne disposons pas d'indicateurs ; nous souhaitons qu'ils nous soient fournis. Les cent soixante-dix mesures doivent ainsi être hiérarchisées. Les équipements démontables devront être réutilisés au niveau départemental et nous regarderons ce sujet de plus près.

En matière de commande publique et du respect des seuils de marché, nous avons procédé pour le moment à un contrôle sur un échantillon limité de marchés. Ce travail devra être accompli lorsque tous les marchés auront été passés et exécutés. De manière générale, sur la commande publique et l'accès des TPE et PME, la Cour et les chambres régionales conduiront un travail exhaustif ex post.

Le recours à la vidéosurveillance peut être lié à des changements de contexte et des appréciations différentes selon les équipes. Quoi qu'il en soit, ce sujet sera débattu dans le cadre du projet de loi olympique, dont l'examen débutera bientôt au Sénat. L'équipe qui a conduit ce rapport estime que ce sujet doit faire partie des réflexions, associées naturellement à des garanties. Je peux néanmoins comprendre les préoccupations qui s'expriment à cet égard.

Il est par ailleurs exact que le prix des billets est élevé, mais ceci relève des décisions du COJOP. La Cour n'a pas à se prononcer sur ce prix, mais sur l'équilibre financier de l'opération. Par ailleurs, à titre personnel, je pense qu'il est concevable que la rareté d'un tel événement entraîne des prix plus élevés, même si la question est légitime.

Enfin, nombre d'entre vous ont évoqué la question sécuritaire. Le ministère de l'Intérieur travaille sur des scénarios de montée en charge des forces intérieures en cas de carence de la sécurité privée, laquelle est probable. Cette question est d'ailleurs largement européenne, il suffit de penser aux Jeux de Londres. L'éventualité d'un recours à la police, à la gendarmerie ou aux forces armées n'est pas à exclure. Dans tous les cas de figure, il appartiendra au COJOP de réaliser des compensations financières.

Nos forces de sécurité intérieure ont les moyens de faire face à ce défi capacitaire en Île-de-France, sur les sites des Jeux, mais aussi sur tout le territoire. Certes, ce moment constituera un véritable défi pour nos forces de sécurité, mais nous pouvons leur accorder notre confiance. Encore une fois, dans ce domaine comme dans d'autres, ne perdons pas de temps pour prendre les décisions qui s'imposent.

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