Le droit français s'enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres. La création d'un cadre européen unifié sur de nombreux sujets permet de mieux protéger et de mieux accompagner nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens partout en Europe. Ce projet de loi a pour objet de transposer et de mettre en œuvre plusieurs directives et règlements adoptés ces trois dernières années par l'Union européenne. Il procède également à de nécessaires mises en conformité de dispositions du droit national avec le droit de l'Union européenne.
Le texte aborde un nombre très varié de sujets sur lesquels je ne me prononcerai pas de manière exhaustive à la tribune. Je laisserai évidemment le débat dans l'hémicycle nourrir les échanges sur les quelques points qui ont suscité votre mobilisation par voie d'amendements. Je veux néanmoins évoquer dans le cadre de cette présentation plusieurs enjeux qui revêtent une importance particulière.
Je citerai d'abord l'article 5 traitant du régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, autrement dit la blockchain. Figurant parmi les mesures sur la finance numérique proposées par la Commission européenne en septembre 2020 pour stimuler l'innovation, le règlement européen sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT) entrera en application en mars 2023. Visant à tirer parti des possibilités offertes par l'émergence des cryptoactifs qualifiables d'instruments financiers, le régime pilote sera mis en place pour une durée de trois ans, susceptible d'être prolongée de trois années supplémentaires.
La France s'est battue pour obtenir un régime pilote ambitieux qui permette de conduire des expérimentations à taille industrielle sur les usages de la blockchain. Le Gouvernement se réjouit de disposer d'un régime créant une zone d'expérimentation pour l'utilisation de la technologie de la blockchain dans le domaine des instruments financiers. Celui-ci sera déterminant pour permettre à la France de rester dans la course des innovations financières à l'échelle mondiale. Avec l'entrée en application de ce régime, la place de Paris va disposer d'une occasion unique de répondre aux nombreuses questions qui se posent sur le potentiel de la blockchain, ses applications et les synergies que cette technologie pourrait générer. C'est une étape cruciale car la place de Paris détiendrait un avantage comparatif substantiel si elle devenait la place où est mis en œuvre ce régime pilote.
Je m'arrête également un instant sur l'article 5 bis, introduit par le Sénat, qui traite de l'évolution des règles applicables aux acteurs souhaitant s'enregistrer auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) comme prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). Le Gouvernement entend évidemment les inquiétudes suscitées par la faillite récente de FTX, et nous accueillons favorablement l'amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances qui permet à la fois de répondre concrètement à celles-ci, en rehaussant le niveau d'exigence, tout en laissant la possibilité aux acteurs émergents de continuer à bénéficier d'une procédure plus adaptée à leurs caractéristiques que l'agrément. Le Gouvernement présentera un sous-amendement qui viendra renforcer cette démarche visant à sécuriser les épargnants.
J'insiste sur le fait que cette démarche, si elle recueille vos suffrages, fera de la France le pays le plus en avance sur la mise en œuvre à venir du règlement sur les marchés de cryptoactifs, dit règlement Mica, et sur la sécurisation des épargnants, tout en préservant la capacité à innover dans notre pays.
Je souhaite également évoquer l'article 8 dont je sais qu'il fait débat, pour des raisons qui honorent le Parlement. Sachez que les orientations politiques européennes qui en sont à l'origine sont aujourd'hui gravées dans le marbre. Je tiens donc à redire avec force à cette tribune qu'il n'est pas question un instant pour le Gouvernement de revenir sur ces arbitrages politiques. En revanche, l'opérationnalisation de ces objectifs requiert un très important et laborieux travail technique destiné à modifier plusieurs dizaines de pages de codes, travail qui sera guidé par le plus haut niveau d'ambition en matière de durabilité, tout en assurant la lisibilité des futurs reportings.
Une habilitation est donc une étape nécessaire pour la bonne mise en œuvre des mesures de publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises. Le Gouvernement espère que les auditions auxquelles vous avez procédé sur ce sujet vous auront convaincus de la pertinence du véhicule retenu afin d'aboutir à sa complète mise en œuvre. Nous nous engageons à mener ce travail technique en pleine association avec les parlementaires qui le souhaiteront, cela va de soi. Dans tous les cas, je le redis, il s'agit de faciliter la vie tant des entreprises, qui doivent déclarer les mêmes informations dans différents documents, que des associations ou investisseurs qui souhaitent avoir accès à une information lisible sur telle ou telle entreprise.
Je m'arrêterai également sur l'article 12 qui a évolué dans sa quasi-intégralité d'une habilitation vers une transposition dans le projet de loi de la directive « accessibilité des produits et services » pendant la navette parlementaire, comme le Gouvernement s'y était engagé. La France, comme de nombreux autres pays européens, a été mise en demeure de transposer cette directive qui fixe, de manière détaillée, les obligations que devront respecter les fabricants, importateurs, distributeurs de certains produits ou prestataires de services, à compter du 28 juin 2025.
La directive de 2019 vise à harmoniser les législations des États membres pour rendre accessibles certains produits et services comme les sites internet, les billetteries, les systèmes et équipements informatiques grand public, les services bancaires, les livres numériques, le commerce électronique. Sur ce sujet important pour nos concitoyens en situation de handicap et pour toute la société, nous accusons un retard collectif qui n'est pas acceptable. Je salue le travail technique exigeant que cette transposition a impliqué au sein de nombreux ministères et je veux vous dire, en tant que ministre délégué chargé des télécommunications, que je serai particulièrement attentif aux enjeux d'accessibilité téléphonique dont je sais qu'ils mobilisent beaucoup, et à juste titre, les associations.
Le texte contient par ailleurs de nombreuses dispositions relatives aux prérogatives des ministères sociaux. Je pense notamment à l'article 14 qui comporte des mesures relatives au congé parental d'éducation, au congé de paternité, au congé de solidarité familiale et au congé de proche aidant. Il a également évolué dans le cadre de la navette parlementaire. L'article 23, quant à lui, permet de ratifier des ordonnances désignant l'autorité administrative chargée de prononcer des sanctions financières dans le cadre de la surveillance des marchés des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de leurs accessoires et des produits de l'annexe XVI du règlement européen 2017/745. Là aussi, le Sénat a travaillé à l'amélioration des outils de lutte contre le risque de rupture de dispositifs médicaux et à la possibilité de publier les éventuelles sanctions financières prononcées par l'autorité administrative concernée.
Enfin, le projet de loi comporte plusieurs dispositions relatives au secteur des transports dont je note qu'elles ont suscité une mobilisation particulière de la part des députés, notamment à l'article 26, ainsi que de nécessaires mesures d'adaptation du code rural et de la pêche maritime à la mise en œuvre de la programmation 2023-2027, de la politique agricole commune (PAC) dont vous savez qu'elle est un outil vital pour nos agriculteurs.