Intervention de Laurence Cristol

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Cristol, rapporteure :

Sur les trente-quatre articles du projet de loi, dix relèvent de la compétence de la commission des affaires sociales. Avant de présenter brièvement leur contenu, je voudrais formuler deux remarques de portée générale.

Premièrement, si beaucoup estiment que les projets de loi d'adaptation du droit national au droit de l'Union européenne rassemblent des dispositions essentiellement techniques, difficilement lisibles et sans réelle visée politique, c'est là, me semble-t-il, une vision réductrice et erronée. Cela se vérifie encore avec le présent projet de loi, porteur d'avancées concrètes et de progrès tangibles pour les personnes en situation de handicap, les salariés, notamment parents et aidants, ou encore les patients.

Deuxièmement, il est bon de rappeler que la transposition des directives en droit français constitue non seulement une obligation juridique trouvant son origine dans les traités, mais également une exigence découlant de l'article 88-1 de la Constitution.

Ce rappel effectué, j'en viens au fond des articles. L'article 12 transpose une directive visant à améliorer l'accessibilité, pour les personnes en situation de handicap, d'un grand nombre de produits et de services liés aux usages numériques. Le Gouvernement avait d'abord fait le choix de demander au Parlement de l'autoriser à transposer par ordonnance – choix justifié par les délais de préparation du projet de loi et la technicité des enjeux. Néanmoins, il a depuis déposé un amendement afin que le dispositif figure dans le projet de loi et, ainsi, que le Parlement se trouve à même d'apprécier les modalités d'application et de contrôle de ces nouvelles exigences.

Actuellement limitée, pour l'essentiel, aux sites internet publics, l'obligation d'accessibilité sera étendue à ceux des grandes entreprises et à certains services téléphoniques. Un grand nombre de produits et services du quotidien seront bientôt concernés. S'agissant de la mise sur le marché de nouveaux produits, ceux-ci devront, à quelques exceptions près, se conformer aux exigences d'accessibilité dès le 28 juin 2025. Seront concernés les distributeurs automatiques de billets ou de titres de transport, les terminaux de paiement, certains ordinateurs et smartphones ou encore les liseuses numériques.

L'ensemble des services fournis au moyens de ces technologies devra se conformer aux mêmes exigences, de manière progressive, afin d'assurer la soutenabilité économique de la mesure. D'ici à 2030, les services tels que ceux du commerce en ligne, des médias audiovisuels ou des communications électroniques devront être fournis intégralement au moyen de produits conformes aux exigences d'accessibilité. Les services ayant recours à des équipements plus lourds, tels les distributeurs automatiques de billets ou les billetteries automatiques, pourront toujours être fournis jusqu'à la fin de leur durée de vie économiquement utile, soit quinze ans après leur mise en service. Les très petites entreprises seront exemptées de ces nouvelles obligations en matière de services.

L'amendement déposé par le Gouvernement aboutit à une rédaction équilibrée qui apporte de réelles avancées à nos concitoyens en situation de handicap. Il garantit, en outre, l'application effective des nouvelles règles d'accessibilité en prévoyant un régime de contrôle et de sanctions qui sera précisé dans le cadre d'une ordonnance au champ strictement limité par rapport à l'article initial.

Les articles 14, 15 et 16, qui transposent deux directives, renforcent à plusieurs titres les droits des salariés, même si la législation nationale est déjà largement conforme aux exigences européennes.

L'article 14 procède à quelques adaptations dans le domaine de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée des salariés. Il assouplit les conditions d'accès au congé parental d'éducation. Il précise que le salarié en congé de paternité, en congé parental d'éducation ou en congé de présence parentale conserve le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début du congé, ce que ne prévoit pas expressément le code du travail à l'heure actuelle. Il rend les salariés du particulier employeur et les assistants maternels éligibles au congé de solidarité familiale et au congé de proche aidant, alors qu'ils sont à ce jour limités au congé de présence parentale.

L'article 15 modifie la loi en deux points principaux. D'une part, il améliore l'information du salarié, au moment de l'embauche, sur la relation de travail et, s'agissant du salarié temporaire ou en CDD, sur les postes à pourvoir en CDI dans l'entreprise, afin de favoriser les transitions vers des formes d'emploi plus stables et plus sûres. D'autre part, il supprime la possibilité d'une période d'essai de plus de huit mois, indépendamment du statut du travailleur, ce qui impliquera la renégociation dans un avenir proche d'un certain nombre de conventions collectives.

L'article 16 adapte le dispositif relatif à la transmission d'informations sur la relation de travail aux cas particuliers des gens de mer et des membres du personnel navigant de l'aviation civile.

J'en viens à présent à la thématique sanitaire présente aux articles 19 à 24, dont le spectre est particulièrement étendu.

L'article 19 autorise, de manière encadrée, la publicité en faveur des installations pratiquant la chirurgie esthétique – publicité jusqu'alors entièrement proscrite. Cet article m'a alertée car il existe dans ce secteur, qui ne relève pas du soin, un potentiel de dérive important. Les jeunes, en particulier, sont extrêmement réceptifs aux messages de la chirurgie plastique, auxquels ils sont très exposés sur les réseaux sociaux. Or, cet article découle de nos engagements européens. En effet, les institutions européennes considèrent qu'une interdiction absolue de communication commerciale porte atteinte à la libre prestation de services promue par les traités, même si elles admettent des restrictions, par exemple au nom de la santé publique. La France a été mise en demeure par la Commission européenne de changer sa législation pour supprimer l'interdiction de publicité, ce qui l'a conduite à modifier les codes de déontologie des professionnels de santé. Mais comment éviter les dérives ? L'amendement que je vous présenterai s'efforcera d'apporter une réponse à cet enjeu qui me semble crucial.

L'article 20 porte sur le sujet des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales. Il ne s'agit pas des compléments alimentaires que l'on trouve en pharmacie mais d'aliments très spéciaux, élaborés pour répondre aux besoins nutritionnels particuliers associés à certaines pathologies ou à certains états de santé. Cela regroupe essentiellement certains compléments alimentaires oraux, des aliments diététiques pour nourrissons, la nutrition parentérale ainsi que des aliments élaborés pour répondre aux besoins nutritionnels de patients atteints de maladies héréditaires du métabolisme.

Cet article vise non seulement à mettre le droit français en conformité avec la réglementation européenne, mais également à répondre au problème franco-français de la distribution des denrées destinées aux patients atteints de maladies métaboliques. Cela concerne environ 3 500 personnes, qui se fournissent actuellement toutes auprès de l'Agence générale des équipements et produits de santé de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (Ageps). L'article 20 vise à revenir sur ce monopole de fait en autorisant une distribution en officine dès lors que la denrée en question ne présente pas de risque particulier. Ce point fait débat, les associations de patients ayant peur de cette évolution. Je proposerai des amendements pour tenter de répondre aux inquiétudes.

L'article 21 entérine le passage à un système de déclaration européenne centralisée pour les industriels qui doivent communiquer la composition de leurs mélanges dangereux à des fins de toxicovigilance. D'après les informations que j'ai reçues, la transition, qui s'est achevée le 1er janvier dernier, semble fluide. Cette évolution se fait au bénéfice des industriels, qui n'ont plus qu'une seule déclaration à effectuer pour l'ensemble des pays européens où ils commercialisent leurs produits. Cet article est emblématique d'une Europe source de simplification – nous n'allons pas nous en priver !

L'article 22 procède à la ratification d'une ordonnance adoptée le 23 mars 2022 pour mettre le droit français en conformité avec les règlements européens en matière de médicaments vétérinaires et d'aliments médicamenteux. Le contenu des adaptations est modeste dans la mesure où le droit français était dans l'ensemble mieux-disant. Le principal changement porte sur une évolution du statut des aliments médicamenteux pour animaux, lesquels rejoignent le régime du droit commun de l'alimentation animale et quittent ainsi l'escarcelle de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Cette évolution, logique, est assortie de toutes les garanties nécessaires.

L'article 23 procède à des ratifications d'ordonnances dans un domaine qui suppose des adaptations législatives substantielles, à savoir les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro – on entend par là les automates et réactifs de laboratoire ainsi que les tests rapides et autotests que l'on trouve en pharmacie. Les règlements européens adoptés en 2017 imposent une mise à niveau importante de la législation française, qui va de pair avec l'évolution du secteur. Les dispositifs médicaux sont, en effet, de plus en plus sophistiqués et jouent désormais un rôle thérapeutique considérable. Les exploitants français doivent fournir un véritable effort pour respecter les nouvelles exigences de sécurité, de traçabilité mais aussi d'investigations cliniques et d'études de performance. Ils doivent impérativement réussir cette transition rapidement s'ils veulent obtenir le nouveau certificat de conformité indispensable à la commercialisation de leurs dispositifs. Ces attentes importantes, couplées à un engorgement des organismes habilités à délivrer le marquage CE, ont fait naître la crainte de ruptures d'approvisionnement. C'est le sens du dispositif introduit par le Sénat à l'article 23, qui vise à prévenir ces ruptures. Je proposerai un amendement pour rendre cette mesure plus opérationnelle.

J'en termine avec l'article 24, qui prévoit une pénalité financière pour les officines qui n'ont pas mis en place la sérialisation, laquelle est une obligation européenne. Les officines doivent s'équiper d'un terminal qui leur permet de scanner les boîtes de médicaments vendues et de désactiver ainsi leur identifiant européen unique. Ce dispositif permet de lutter contre les médicaments falsifiés. Mais les officines françaises ont été particulièrement longues à le mettre en place. Cela dit, d'après mes informations, plus de 80 % des officines sont maintenant raccordées contre moins de 50 % au début de l'automne. C'est, je crois, la preuve du bien-fondé de cet article 24.

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