La santé de nos concitoyens est au centre du texte que nous nous apprêtons à examiner. Cette proposition de loi, longuement mûrie et concertée avec les professionnels de santé, s'inscrit dans le prolongement des travaux engagés depuis plusieurs années pour faciliter l'accès aux soins de nos concitoyens tout en valorisant les compétences de ces professionnels. Elle est débattue dans un contexte inédit de pénurie de médecins dans notre pays.
Il m'apparaît nécessaire de rappeler rapidement quelques éléments de ce contexte, avant d'en venir aux mesures proposées.
L'accès aux soins est une préoccupation majeure de nos concitoyens. La raison principale de cette situation est désormais bien connue : l'instauration, au début des années 1970, d'un numerus clausus qui a, pour des raisons économiques, fortement contraint le nombre de médecins formés.
Depuis 2017, nous avons agi pour faire face à ces difficultés. La suppression de ce numerus clausus, en 2019, a déjà permis d'augmenter de 15 % environ le nombre d'étudiants formés chaque année. À plus court terme, nous avons engagé des mesures concrètes : la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) encourage ainsi les médecins en fin de carrière à prolonger leur activité ou favorise l'accompagnement à l'installation des médecins sur nos territoires.
Nous avons aussi pris des mesures qui visent à libérer du temps aux médecins. C'est là, comme l'a rappelé le Président de la République lors de ses vœux aux soignants, un objectif majeur. D'ici fin 2024, 10 000 assistants médicaux seront déployés afin de décharger les médecins des tâches administratives. Cela passe aussi, évidemment, par des délégations de tâches dans le cadre de protocoles de coopération entre les différents professionnels de santé.
Les maladies évoluant et le vieillissement de la population devenant un sujet prégnant pour les années qui viennent, il me semble indispensable d'aller plus loin et plus vite dans l'évolutivité des métiers du soin. Il s'agit là d'une première réponse efficace pour améliorer l'attractivité des professions de santé et pour renforcer la confiance dans notre système de soins. Cette nouvelle proposition de loi s'inscrit ainsi dans la continuité de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification que nous avons adoptée en avril 2021.
Il s'agit, d'une part, de développer l'« accès direct », c'est-à-dire la possibilité pour un patient de consulter en première intention un professionnel de santé, sans devoir passer d'abord par son médecin traitant. Il s'agit également de favoriser le développement des pratiques avancées, qui sont un facteur de qualité de la prise en charge des patients.
L'article 1er de la proposition de loi vise ainsi à revaloriser les missions des infirmiers en pratique avancée (IPA) – et à dynamiser cette profession, qui est encore en déploiement ; on comptait en août dernier 1 700 diplômés et 1 500 formations. En moyenne, 700 IPA sont diplômés chaque année. Si la crise sanitaire a pu ralentir la montée en charge de cette profession, il est urgent d'accélérer la formation et le déploiement des IPA, comme l'a indiqué le Président de la République.
L'une des difficultés majeures rencontrées par les infirmiers en pratique avancée exerçant à titre libéral réside dans l'insuffisance du nombre de patients adressés par les médecins, qui sont encore nombreux à se montrer réticents, par méconnaissance des compétences de ces professionnels ou par absence de volonté de travailler avec une profession perçue, à tort, comme concurrente. Cela empêche le développement d'un modèle économique pourtant viable et pertinent, et conduit certains infirmiers à renoncer à exercer en tant qu'IPA.
Face à cette situation, l'article 1er reprend plusieurs propositions formulées par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en novembre 2021 dans un rapport sur les partages de compétences entre les professionnels de santé, rapport qui a été remis sur le fondement de l'article 1er de la loi que j'avais défendue voilà presque deux ans.
Il est proposé d'étendre le champ de compétences des infirmiers en pratique avancée aux prescriptions de produits de santé et de prestations soumis à prescription médicale obligatoire. L'article leur permet également de prendre des patients en charge directement, sans adressage préalable d'un médecin, à la condition d'exercer dans le cadre de structures d'exercice coordonné, qu'il s'agisse d'équipes de soins primaires, de centres de santé, de maisons de santé ou de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui ont vocation à être généralisées sur l'ensemble du territoire.
Afin de mieux structurer et organiser la profession, l'article propose aussi de créer deux types d'IPA : les IPA spécialisés et les IPA praticiens. Il s'agit d'un même métier avec des modalités d'exercice différentes. Les IPA spécialisés auront ainsi vocation à prendre plutôt en charge des pathologies complexes dans le cadre d'un domaine de compétences spécifique, plutôt en aval des médecins. En parallèle, les IPA praticiens auront vocation à intervenir davantage en amont de la prise en charge par un médecin et en premier recours, que ce soit en ville ou en établissement.
Les articles 2 et 3 visent respectivement à ouvrir aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes l'accès direct, nécessaire pour fluidifier le parcours de soins du patient et dégager du temps médical. Ces professionnels reçoivent, durant leurs études, des formations consacrées à l'accès direct, qui leur assurent des compétences sanctionnées par un diplôme universitaire. Nous permettons donc, dans cette proposition de loi, la reconnaissance pleine et entière de leurs compétences.
Bien que le médecin ne soit désormais plus nécessairement consulté en premier, sa place reste centrale dans notre système de santé. L'accès direct n'est pas ouvert à tous les masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes, mais aux seuls professionnels qui exercent dans une structure de soins coordonnés. D'ailleurs, un bilan initial et un compte rendu des soins prodigués seront adressés au médecin traitant et reportés dans le dossier médical partagé.
Enfin, l'article 4 propose de créer une profession d'assistant dentaire de niveau II. Cette proposition, qui répond à une demande forte de la profession et qui fait l'objet de travaux depuis plusieurs années, permet l'évolutivité de la profession d'assistant dentaire, qui a été encadrée par la loi en 2016 et qui compte aujourd'hui près de 15 000 professionnels en exercice.
L'assistant dentaire de niveau I, principal collaborateur du chirurgien-dentiste, l'assiste dans la réalisation des gestes avant, pendant et après les soins bucco-dentaires.
Disposant de compétences élargies, l'assistant dentaire de niveau II se situera à l'interface entre l'assistant dentaire et le chirurgien-dentiste et pourra effectuer des actes habituellement pratiqués par ce dernier, comme les détartrages et les actes d'imagerie. Alors que des difficultés d'accès aux soins bucco-dentaires sont observées dans de nombreux territoires, la création de cette profession apparaît essentielle pour libérer du temps médical aux chirurgiens-dentistes et mieux développer la prévention bucco-dentaire.
Pour conclure, j'ai la conviction que les mesures de ce texte permettront d'améliorer rapidement l'accès aux soins de nos concitoyens. Elles ont le double objectif de conforter l'expertise et la place centrale du médecin généraliste dans le parcours de soin, et de lui libérer plus de temps médical. La confiance et la coopération indispensables entre les différents professionnels de santé sont parmi les leviers les plus opérants dont nous disposions pour améliorer la qualité de prise en charge des patients.