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Intervention de Danielle Brulebois

Réunion du mardi 17 janvier 2023 à 18h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Brulebois, rapporteure pour avis :

Si nous souhaitons atteindre l'objectif européen de neutralité climatique en 2050, le secteur des transports doit opérer une transformation pour accélérer sa décarbonation. Nous devons donc garantir la mise en œuvre de solutions efficaces d'un point de vue environnemental, mais également acceptables, abordables et protectrices d'un point de vue social.

Le droit européen a évolué afin de concilier ces deux objectifs. L'avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a été sollicité pour l'examen de cinq articles de ce projet de loi DDADUE touchant au domaine des transports. Ces articles comportent principalement des dispositions relatives au transport routier ainsi qu'à l'accessibilité des trains, notamment pour les personnes handicapées et les vélos. Il s'agit donc de conforter les droits des usagers.

Avant toute chose, je tiens à saluer le travail accompli par le Sénat. J'approuve la majorité des modifications qu'il a apportées au texte.

En premier lieu, je souhaite revenir sur les dispositions des articles 26 et 26 bis, qui visent à transposer la directive dite « Eurovignette » du 17 juin 1999 telle qu'elle a été révisée par la directive du 24 février 2022 définissant les règles applicables en matière de taxation des poids lourds empruntant certains axes routiers européens. Si l'objectif initial de cette directive était de limiter le niveau des péages afin de garantir la libre circulation des personnes et des marchandises, de nouvelles dispositions ont été adoptées en vue de limiter l'impact du transport routier sur l'environnement. Il s'agit là d'un sujet primordial puisque les autoroutes françaises sont responsables de 7 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, dont 54 % émanent des poids lourds.

Avant la révision de 2022, la directive imposait déjà aux États membres de faire varier la redevance d'infrastructure applicable aux poids lourds en fonction de la classe Euro du véhicule. En pratique, cependant, seuls quatre contrats autoroutiers appliquent la modulation Euro : sur les 9 200 kilomètres autoroutiers concédés, 235 kilomètres seulement, soit 2,5 % du réseau, sont concernés par cette mesure.

Afin de renforcer cette obligation, l'article 26 transpose l'ensemble des dispositions obligatoires de la directive du 24 février 2022. Cette dernière instaure une obligation de modulation des redevances d'infrastructure pour les poids lourds en fonction de leur classe d'émissions de CO2. Elle impose la création d'une redevance pour coûts externes liée à la pollution atmosphérique due au trafic des véhicules lourds sur le réseau à péage. Elle prévoit enfin qu'à compter du 1er janvier 2026, les États membres devront faire varier les péages acquittés par les camionnettes et les minibus en fonction de la performance environnementale des véhicules.

Ces dispositions concernent uniquement les contrats conclus entre l'État et les concessionnaires autoroutiers après le 24 mars 2022. Elles ne s'appliqueront donc qu'au moment du renouvellement des contrats, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, après 2030. Ce délai présente deux avantages. D'une part, il permet d'éviter une remise en cause des règles tarifaires des contrats autoroutiers existants, qui pourrait obliger l'État à compenser les déséquilibres financiers induits pour les contrats en cours. D'autre part, il donne aux entreprises du secteur le temps d'adapter leur parc automobile, alors que 2 % seulement des 600 000 véhicules du parc de poids lourds répondent actuellement aux critères de faibles émissions.

Comme nous l'a rappelé la mission « flash » sur les mesures d'accompagnement de la création de zones à faibles émissions mobilité, dont nos collègues MM. Gérard Leseul et Bruno Millienne étaient corapporteurs, les dispositifs d'aide à l'achat de véhicules poids lourds électriques ou fonctionnant avec des carburants propres s'avèrent insuffisants. Le secteur du transport routier ne bénéficie pas non plus d'une rentabilité ni de moyens suffisants pour opérer seul le virage nécessaire à son verdissement. Le coût des véhicules électriques est quatre à cinq fois plus élevé que celui des véhicules diesel. En outre, l'offre est très limitée pour les gros gabarits. Le délai minimal de livraison d'un véhicule neuf à propulsion alternative est de deux ans. Les réseaux d'avitaillement en énergies alternatives sont insuffisants.

Pour toutes ces raisons, je salue l'introduction, par le Sénat, d'une disposition accordant une exonération ou une réduction des péages aux véhicules les moins polluants relevant de la norme Euro la plus stricte. Cette mesure représente une incitation financière au renouvellement des flottes. Il faudra aussi créer de nouvelles aides et subventions en ce sens. Ce projet de loi DDADUE doit s'inscrire dans une planification complète de la transition écologique du secteur.

Par ailleurs, je défendrai un amendement de suppression de l'alinéa 19 de l'article 26, introduit au Sénat, qui fixe au 25 mars 2026 la date d'entrée en vigueur de la redevance pour coûts externes. En effet, cette date va à l'encontre de la directive, elle-même entrée en vigueur le 24 mars 2022.

L'article 26 bis, introduit par le Sénat, élargit le champ d'application de la directive aux dispositions de l'ordonnance du 26 mai 2021 relative aux modalités d'instauration d'une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA). Cette ordonnance autorise la CEA à moduler les taux kilométriques des redevances perçues sur le transport de marchandises en fonction de la classe d'émissions Euro des véhicules ou à tenir compte des coûts résultant pour la société de la pollution atmosphérique et sonore liée au trafic. Or il est impératif que le régime de la taxe qui sera mise en œuvre par la CEA respecte les prescriptions de la directive à compter de mars 2024.

L'article 28 aborde un autre sujet majeur : le transport ferroviaire de voyageurs. Ce secteur ne représente que 0,5 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne.

Afin d'encourager le recours au train, le Parlement et le Conseil de l'Union européenne ont adopté le règlement du 29 avril 2021 relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires. Ce nouveau règlement, qui vise à assurer une protection effective des droits des voyageurs, concerne notamment les indemnisations en cas de retard ou d'annulation d'un trajet avec ou sans correspondance, ou encore l'assistance en gare et à bord des trains des personnes handicapées ou à mobilité réduite. Au-delà d'un renforcement des droits des voyageurs, il encourage la mobilité verte en facilitant le transport des vélos à bord des trains. Ainsi, les entreprises ferroviaires exploitant des lignes nationales comme régionales sont désormais tenues de prévoir des emplacements dédiés aux vélos.

À ce sujet, je tiens à saluer les avancées déjà intégrées en droit français dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), qui fixe un nombre minimal d'emplacements pour vélos supérieur à la norme européenne. En France, chaque train neuf ou rénové doit ainsi comporter au moins huit emplacements pour vélos quand la réglementation européenne n'en impose que quatre. De même, l'audition des représentants de SNCF Voyageurs a mis en avant le fait que les conditions de service proposées par l'entreprise sont souvent plus favorables que les dispositions européennes – je pense notamment aux conditions d'indemnisation en cas de retard ou d'annulation, ainsi qu'aux services à la personne. Cependant, la transposition de ce règlement en droit français permettra de fixer un cadre clair dans un contexte d'ouverture à la concurrence des lignes ferroviaires régionales.

Le Sénat a introduit de nouvelles obligations, telles que l'indemnisation des personnes handicapées ou à mobilité réduite en cas de perte ou d'endommagement de leur dispositif d'assistance, la publicité des décisions d'interruption de services de façon permanente ou temporaire, ou encore l'information des voyageurs au sujet de leurs droits et obligations au moment de l'achat d'un titre de transport. Si le règlement fixe au 7 juin 2023 l'entrée en vigueur de ces dispositions, le Sénat a accordé un délai supplémentaire aux services régionaux, qui auront jusqu'au 1er janvier 2025 pour se conformer à la nouvelle législation. Ce délai permettra à l'ensemble des entreprises ferroviaires souhaitant entrer sur le marché dans le cadre de l'ouverture à la concurrence d'adapter leurs offres.

Les articles 27 et 29 de ce projet de loi procèdent à des corrections rédactionnelles qui n'appellent pas d'observation particulière.

Je vous invite à adopter ce texte, ainsi que les quelques amendements complémentaires que j'ai déposés visant à permettre à l'Autorité de régulation des transports (ART) d'exercer pleinement ses missions.

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