La recevabilité de la proposition n'est pas contestée ici, tant il est évident que le souhait exprimé par le groupe La France insoumise, au titre de son droit de tirage, de voir créer une commission d'enquête parlementaire sur les Uber Files s'adosse à des faits établis.
En juillet dernier, 124 000 documents internes à Uber et datés de 2013 à 2017, recueillis par le consortium international des journalistes, ont révélé le lobbying agressif et le mépris des lois dont a fait preuve le géant américain pour investir le secteur français du transport particulier de personnes. Cela n'aurait pas été possible sans les révélations de l'ancien lobbyiste d'Uber, devenu lanceur d'alerte, M. Mark MacGann, qui a notamment accompagné le fondateur de l'entreprise, Travis Kalanick, dans nombre de ses démarches. L'enquête sur les Uber Files a ainsi révélé au moins dix-sept échanges significatifs entre des décideurs publics, dont le ministre de l'économie de l'époque, Emmanuel Macron, et la direction d'Uber.
Bien d'autres aspects des Uber Files révèlent la manière dont les plateformes de l'ubérisation tentent d'imposer un état de fait à l'État de droit pour faire ensuite pression en vue de modifier les lois, de faire en sorte qu'elles ne soient pas appliquées ou de modifier des dispositions réglementaires.
Depuis lors, le lobbying se poursuit de la part des plateformes de l'ubérisation. L'une des premières tâches de l'enquête parlementaire sera donc de bien analyser la mise en œuvre de ce lobbying, le rôle des responsables publics, la poursuite du lobbying et de formuler des recommandations en vue de la séparation des lobbys et de l'État.
Enfin, cette commission d'enquête parlementaire aura aussi pour rôle d'examiner les conséquences sociales, économiques et environnementales de l'ubérisation, qui s'est développée dans de nombreux secteurs et affecte très fortement notre modèle social, notre code du travail et les recettes fiscales de l'État – car ces plateformes sont souvent des professionnelles de l'évasion fiscale.
Enfin, il sera intéressant de voir, parallèlement au débat d'actualité sur les retraites, les conséquences de l'ubérisation sur notre système de protection sociale. Ainsi, l'Urssaf a engagé des batailles contre le travail dissimulé chez Uber, déposant une plainte en 2016, et Deliveroo a été condamnée à verser près de 10 millions d'euros en septembre dernier, parce que ces entreprises ne respectent pas leurs engagements. En ce moment même, on débat au Parlement européen à propos des enquêtes sur les Uber Files et une grande bataille se livre autour d'une directive européenne sur la présomption de salariat, question qui entre aussi dans le cadre de la réflexion que nous aurons à mener lors de cette mission d'enquête parlementaire.
Je suis donc très fière de savoir que cette commission d'enquête parlementaire pourra travailler. La lutte contre les lobbys et pour la séparation des lobbys et de l'État est une question démocratique centrale. En tant qu'élus de la République, nous devons servir l'intérêt général, et non pas les intérêts privés.