Le texte vise à corriger certaines aberrations introduites par l'extension à l'élection sénatoriale des règles générales applicables aux scrutins. Le scrutin du 27 septembre 2020 a montré l'inadéquation de ces règles pour cette élection spécifique, qui se déroule au suffrage indirect.
La nature même du scrutin – majoritaire à deux tours pour les circonscriptions désignant un ou deux sénateurs, de liste à la représentation proportionnelle pour les autres circonscriptions – entraîne des conséquences différentes suivant les cas. Dans les circonscriptions où un second tour est nécessaire, celui-ci a lieu le jour même, à quelques heures d'écart, et non la semaine suivante comme lors des élections législatives. Aussi l'application de l'interdiction de faire campagne la veille du scrutin a-t-elle entraîné une impossibilité de mener une campagne d'entre-deux-tours.
Ces aberrations doivent être corrigées. La proposition de loi est donc la bienvenue. Elle permet notamment la communication progressive des résultats afin que le second tour se déroule normalement, ce qui suppose que les candidats puissent faire campagne. En effet, une élection, ce n'est pas seulement un vote. Même si l'élection sénatoriale est spécifique, dans la mesure où elle s'adresse aux grands électeurs et non à l'ensemble des citoyens, la campagne n'en fait pas moins partie intégrante de l'élection. Celle-ci est un choix, qui doit être éclairé. Pour cela, les différents candidats doivent être en mesure de défendre leur programme de la même façon. Interdire toute campagne – fût-elle brève – entre les deux tours, c'est donner une prime à la notoriété et aux sortants, ce qui n'est pas admissible en démocratie.
Notons tout de même l'instabilité législative et le manque de sérieux de la précédente réforme du scrutin, qui a mené à des aberrations comme celles dont il est question. L'intensification sans précédent du travail législatif durant le précédent quinquennat nous a conduits à légiférer dans la précipitation, sans que nous prenions la mesure des conséquences, au point qu'il faille y revenir.
Plus largement, notre pays manque de réflexion démocratique. Notre système politique est à bout de souffle et ne convainc plus guère le peuple dont il est censé exprimer la volonté. Preuve en est l'abstention, qui monte scrutin après scrutin et sape chaque fois davantage la légitimité de l'ensemble. Il est plus que temps de refonder notre système politique du sol au plafond, au lieu de se contenter d'apporter des correctifs à la marge. Le consentement aux institutions s'est effrité progressivement. Le régime dérive lentement mais sûrement vers l'autoritarisme.
Il faut que le peuple politique se refonde lui-même en refondant ses institutions. Nous souhaitons que cette refondation nécessaire se fasse à travers une assemblée constituante, qui siégerait en parallèle de nos institutions jusqu'à ce qu'une nouvelle constitution pour une VIe République soit adoptée par référendum.
À cette fin, il serait opportun de redéfinir l'équilibre des pouvoirs. Souhaitons-nous conserver un système bicaméral, ou bien préférons-nous revenir à un système monocaméral ? Si nous voulons conserver un Sénat, quelle forme doit-il avoir ? Doit-on conserver le système des grands électeurs, qui a peut-être ses vertus, mais présente surtout le défaut majeur d'être complètement opaque pour nos concitoyennes et concitoyens, et a aussi pour conséquence de favoriser l'immobilisme, car la majorité sénatoriale n'a changé qu'une seule fois durant la Ve République ? Doit-on étendre le vote obligatoire à toutes les élections, en reconnaissant en parallèle le vote blanc ? Ce sont là des questions démocratiques fondamentales qui doivent être débattues par le peuple pour que notre démocratie revive.