Le présent projet de loi d'adaptation au droit de l'Union européenne impose de mettre en conformité notre droit national avec six règlements et six directives européens, à la suite de mises en demeure ou de décisions contentieuses de l'UE à l'égard de la France. Il est donc urgent de les transposer dans notre droit, mais en les soumettant au débat parlementaire, pour déterminer le contour de leur adaptation et de leur exécution.
Quel esprit anime ce projet de loi : établir des règles de fond dont nous allons débattre de manière démocratique, pourrions-nous légitimement penser ? Certainement pas. En toute logique, le Gouvernement, dont l'aversion pour le débat parlementaire est bien connue, demande dans plusieurs de ses articles, et non des moindres, des habilitations à légiférer par ordonnances. Il s'agit à nouveau de se passer de la représentation nationale.
Nul n'en est surpris dans nos rangs, compte tenu de l'absence désinhibée de considération pour le débat parlementaire dont le Gouvernement fait preuve depuis plusieurs mois. La représentation nationale intervient en guise de validation, pour lui permettre de légiférer comme bon lui semble, au mépris des principes les plus fondamentaux de nos débats.
Pensez-vous, chers collègues, que c'est pour cela que les Français nous ont élus ? Nous nous adressons à la minorité parlementaire : acceptez-vous que l'on vous dépossède de votre compétence parlementaire ? Il sera opportun de vous poser la question lorsque vous voterez en faveur de ces habilitations, ce que vous ferez en pleine conscience, n'en doutons pas à ce stade de l'examen du projet de loi !
L'article 9 transpose une directive introduisant deux nouvelles procédures relatives aux transformations, fusions et scissions transfrontalières de sociétés de capitaux. Il impose notamment l'adoption de dispositions anti-fraude et anti-abus pour contrôler la légalité de ces opérations. Pour transposer cette directive, le Gouvernement nous demande une habilitation à légiférer par ordonnance.
Rappelons que cette directive a été adoptée il y a trois ans, et que son délai de transposition expire le 31 janvier, dans une dizaine de jours. Par quel hasard le Gouvernement a-t-il attendu le dernier moment pour la transposer, alors qu'il a eu trois ans pour la soumettre au débat parlementaire ? Disons-le clairement, nous sommes placés au pied du mur car faute de transposition, notre législation sera non conforme au droit de l'Union européenne. Mais ne nous dites pas que le temps presse désormais !
L'article 11 a été jugé insuffisant par le Sénat, qui en a revu les contours. Il transpose sans cadre suffisant la possibilité, pour les acteurs économiques coupables de graves infractions pénales, de déroger à la sanction fondamentale qu'est l'exclusion des marchés publics pour cinq ans. Ils pourront donc, en prouvant leur bonne foi, ne pas subir cette sanction, pourtant appliquée de plein droit après une condamnation.
Pour illustrer cette anomalie, rappelons qu'il s'agit d'infractions telles que la corruption passive, le trafic d'influence, le détournement de biens publics ou la prise illégale d'intérêts, bref de la grande délinquance, qui coûte très cher à notre contrat social. Cette transposition est contraire aux dispositions introduites dans le droit français il y a quelques années, dans un objectif alors considéré comme louable de moralisation de la commande publique.
Ce mécanisme exonérant les entreprises délinquantes est appelé « auto-apurement ». S'il figurait dans la loi qui sera adoptée, nous inviterions les Français condamnés pour délit grave à s'auto-apurer à leur tour – l'exemple venant si souvent d'en haut !
À nos yeux, le présent projet de loi ne vise qu'à conformer notre droit, dans la précipitation et par ordonnances, aux directives et aux règlements de l'UE.