Nous examinons le premier projet de loi DDADUE de la législature concernant la commission des lois. Cet acronyme, connu dans le jargon parlementaire, désigne les projets de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, qui ont la réputation d'être des textes techniques, parfois rébarbatifs et laissant peu de marge de manœuvre au législateur. Leur objet est de transposer en droit interne des règlements et directives européens, ce qui en fait, par nature, des textes composites brassant de nombreux sujets.
Ce projet de loi DDADUE présente un champ très large, avec trente-et-un articles initiaux portant sur l'économie, la santé, les transports, l'agriculture, le droit du travail, le droit commercial ou la protection de l'enfance. Il a été présenté en Conseil des ministres le 23 novembre dernier. Le Sénat, saisi en premier, l'a adopté en première lecture le 13 décembre.
Comme au Sénat, la commission des affaires sociales est saisie au fond, et des délégations au fond ont été accordées aux autres commissions permanentes, en fonction de leur périmètre de compétences. La commission des lois a ainsi hérité de six articles, qui transposent ou corrigent des surtranspositions de cinq directives et d'un règlement européens dans notre droit.
Nous avons effectué plusieurs auditions pour examiner le détail de ces articles, qui se sont surtout tenues, compte tenu du calendrier, pendant la suspension des travaux parlementaires.
Nous avons auditionné les responsables des administrations centrales chargées du suivi de la législation modifiée : la direction des affaires civiles et du sceau, la direction générale de l'offre de soins, la direction générale de l'administration et de la fonction publique et la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie. Nous avons aussi auditionné des représentants de l'Association française des entreprises privées et de l'Union nationale des professions libérales, pour avoir le point de vue des entreprises.
L'article 9, relatif au droit des sociétés, porte sur les opérations de fusion, de scission et d'apport partiel d'actifs. Il a pour objet la transposition de la directive du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières, sachant que le délai de transposition expire le 31 janvier. Il habilite le Gouvernement à effectuer cette transposition par voie d'ordonnance, ce qui est justifié par son caractère très technique et par l'étroitesse des marges de manœuvre nationale sur ce point, les discussions ayant eu lieu au sein des institutions européennes.
L'un des apports de cette directive est de créer une procédure de transformation transfrontalière permettant aux sociétés constituées conformément au droit d'un État membre de se transformer en une société dont la forme juridique est régie par le droit d'un autre État membre, en y transférant au moins leur siège statutaire, tout en conservant leur personnalité juridique.
Le Gouvernement a beaucoup avancé sur le projet d'ordonnance et a communiqué plusieurs fiches de transposition. L'ordonnance pourrait donc être publiée rapidement. C'est pourquoi le Sénat a ramené le délai d'habilitation de six à trois mois. Je vous proposerai d'être favorables à cet article dans la version du Sénat, sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel.
L'article 10, également relatif au droit des sociétés, assouplit le régime de sanctions prévoyant une dissolution judiciaire pour insuffisance de capitaux propres. Le droit français offre la possibilité d'une dissolution judiciaire, à la demande de tout intéressé, d'une société commerciale dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social. Sur ce point, le droit français est beaucoup plus strict que la directive européenne du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés. Dans de nombreux États membres, la dissolution judiciaire en cas d'insuffisance de capitaux propres n'est pas automatique.
L'article 10 corrige donc un excès. Il écarte le risque de dissolution de sociétés parfaitement viables, mais dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social. Cela rassurera les nombreuses entreprises dont les capitaux propres ont diminué en raison de la crise de la covid notamment, et assurera à nos entreprises le même traitement que celui appliqué à leurs concurrentes de l'Union européenne (UE).
L'article 10 remplace la dissolution judiciaire par la possibilité de réduire le capital social en deçà d'un seuil défini par décret. Je vous proposerai d'y être favorables, sous réserve de l'adoption de quelques amendements rédactionnels.
L'article 11 porte sur le droit de la commande publique. Il sera sans doute au cœur de nos débats, en particulier son mécanisme d'auto-apurement. Je signale que son unique objet est de mettre notre droit en conformité avec la jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) dite Vert Marine, que les acteurs publics et les autorités concédantes appliquent d'ores et déjà, mais sans cadre juridique.
L'article 11 accroît donc la sécurité juridique en la matière. Il met le droit français en conformité avec le droit européen, en l'espèce les directives du 26 février 2014 relatives à la passation des marchés publics et à l'attribution de contrats de concession. Je vous proposerai d'y être favorables, sous réserve de l'adoption d'un amendement essentiellement rédactionnel.
Les articles 17 et 18 relèvent du droit du travail au sens large. Avec les articles 15 et 16, dont notre commission n'a pas été saisie, ils visent à transposer la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l'Union européenne. Ils ont pour objet de garantir l'information des travailleurs sur les principales caractéristiques de leurs conditions de travail, telles que les horaires et les congés.
Le droit français, sur ce point, est en grande partie conforme au droit européen, mais quelques adaptations à la marge sont nécessaires. L'article 17 concerne les agents publics ; l'article 18 s'applique aux praticiens hospitaliers relevant du code de la santé publique. Je ne vous proposerai aucune modification.
Enfin, l'article 25 porte sur la protection de l'enfance. Il actualise, dans le code de l'action sociale et des familles, les références aux règles européennes permettant la coopération internationale en la matière. Il assure la continuité de la coopération internationale et la transmission d'informations entre États membres de l'UE. Je ne vous proposerai aucune modification non plus.
Les articles dont nous sommes saisis sont techniques. Ils ont fait l'objet d'un examen à l'échelon européen.