Il est des textes qui en disent beaucoup plus que les mesures qu'ils contiennent.
Ce projet de loi est présenté comme une simple transposition technique de directives et de règlements européens. Ce serait pourtant une erreur de le considérer ainsi. En réalité, il traduit le mépris de ce gouvernement pour le débat parlementaire et la démocratie représentative. Le texte ne comprend pas moins de six habilitations à légiférer par ordonnance. Le Parlement n'est donc qu'une chambre d'enregistrement, censée octroyer les pleins pouvoirs à l'exécutif et laisser la loi se faire derrière les portes closes des cabinets ministériels, dans une opacité totale.
L'article 7 prévoit par exemple de laisser transposer par ordonnance la directive relative aux déclarations pays par pays, dite CbCR – Country by Country Reporting. Il est ironique de vouloir transposer en toute opacité une directive censée apporter plus de transparence en matière de fiscalité des entreprises.
Par-delà le caractère antidémocratique de ces manœuvres, nous avons des raisons pratiques de ne pas laisser au Gouvernement les mains libres pour transposer cette directive. En effet, lors de l'élaboration de la directive au niveau européen, il s'était fait le porte-parole du Medef, dont un document lui avait servi de base pour faire valoir ses lignes rouges, sans nuance et avec des arguments erronés. Le résultat est une directive contenant de faibles exigences en matière de transparence fiscale et peu efficace pour lutter contre l'évasion fiscale des multinationales. La France avait pourtant l'influence nécessaire pour faire des propositions ambitieuses en matière de transparence.
Bref, il est clair que rien ne sera fait pour lutter contre l'évasion fiscale, malgré les scandales à répétition et l'aggravation des inégalités de revenus et de patrimoine – de plus en plus insoutenables écologiquement, socialement et démocratiquement.
L'ensemble du projet de loi montre une volonté de transparence minimale et peu contraignante pour les multinationales. L'article 3 revient par exemple sur l'obligation pour les assurances de publier des informations extra-financières liées aux risques climatiques et à la biodiversité. Cette obligation était certes le fruit de la surtransposition d'une directive antérieure, mais nous pouvons tous noter que lorsque vous allez plus loin que ce qui est imposé par le droit européen en matière de transparence, c'est par erreur – et que vous vous empressez de la corriger quand vous vous en apercevez.
Absence d'ambition écologique, mépris du débat parlementaire, transparence fiscale au rabais : en l'état, nous voterons contre ce projet de loi.