La commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France auditionne M. Xavier Piechaczyk, président du directoire du réseau de transport d'électricité.
Monsieur Piechaczyk, nous vous remercions d'avoir répondu rapidement à notre sollicitation. Nous avons souhaité vous entendre sur les enjeux relatifs à la souveraineté et à l'indépendance énergétique et plus spécifiquement électrique de la France. Les gestionnaires de réseau jouent désormais un rôle essentiel en matière d'approvisionnement. Nous avons hier entendu votre prédécesseur tout en regrettant que, faute de temps, nous ne puissions pas interroger les premiers responsables de RTE dans sa configuration initiale.
La séparation des activités de production d'une part, et de transport et de distribution de l'électricité, d'autre part, relève d'une exigence des instances européennes. EDF a été ainsi conduit à filialiser ses activités de distribution, désormais gérées par Enedis, et ses activités de transport d'électricité, confiées à RTE. La gestion du réseau de transport fait intervenir, outre RTE, d'autres entités, comme l'État, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) qui a le statut d'autorité indépendante, et l'Agence européenne de coopération des régulateurs d'énergie (Acer). Les interconnexions dans le cadre du marché européen ont en effet été souhaitées et développées ces dernières années. Elles permettent d'organiser des flux qui se traduisent en importations ou en exportations.
La crise actuelle met en évidence l'intérêt d'une telle solidarité européenne. Les mécanismes tant pour le financement des investissements que pour le choix des tracés ou les conditions de négociation des achats et des ventes demeurent toutefois opaques pour la plupart des citoyens français comme européens. L'initiative chinoise de 2016 d'une nouvelle route de la soie appliquée à l'électricité peut par ailleurs laisser dubitatif quant à la préservation d'une souveraineté ou d'une indépendance électrique de l'Europe. Il convient de relever que les interconnexions garantissent un approvisionnement en électrons, mais ne donnent aucune assurance quant à leur provenance ou à leur source – charbon, gaz, hydraulique, autres énergies renouvelables, ou nucléaire.
RTE occupe une situation de monopole régulé. Un contrat de service public définit les priorités de l'État qui s'imposent aux gestionnaires de réseau. En 2017, la sécurité de l'approvisionnement et l'équilibre du système électrique étaient ainsi affirmés comme une priorité adjacente à celle de la transition énergétique. Le contrat conclu en 2022 évoque toujours la transition énergétique et consacre le principe de résilience. Ces termes traduisent-ils un changement d'orientation ?
L'approvisionnement est essentiel, mais l'équilibre du réseau ne se limite pas à cette seule question. Le développement des énergies renouvelables nécessite ainsi des investissements importants dans le réseau. Environ 30 milliards d'euros sont prévus d'ici 2035, notamment pour les raccordements et le stockage, auxquels s'ajoutent des interventions complexes pour leur mise en réseau. Les charges afférentes au réseau sont par ailleurs principalement couvertes par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe). Or, selon le dernier rapport de la Cour des comptes consacré à RTE, les lois de 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et de 2018 pour un État au service d'une société de confiance ont opéré un transfert de charges que la Cour n'avait pas évalué.
Je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».