Intervention de Julie Laernoes

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 17h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulie Laernoes :

Pourtant, des recours en justice ont été déposés par des membres du conseil d'administration parce qu'ils n'avaient pas disposé de toutes les informations nécessaires pour pouvoir prendre une décision éclairée et les jugements des tribunaux font mention de trois membres du conseil administration participant à la réunion semblant se trouver en situation de conflit d'intérêts.

Le projet de Hinkley Point a donc suscité des tensions, y compris au sein d'EDF. Qu'est-ce qui a motivé un tel passage en force ?

Vous avez évoqué les difficultés liées au manque de compétences ayant provoqué le désastre, ou à tout le moins le dérapage en matière aussi bien de coûts que de délais du chantier de l'EPR de Flamanville. M. Proglio, que nous avons auditionné hier, nous a dit : « L'EPR est un enjeu trop compliqué, il est quasi inconstructible. On en voit aujourd'hui les difficultés. Les grands patrons du nucléaire d'EDF l'avaient anticipé. C'était le seul outil qui était disponible dans notre univers. J'avais pesté, étant administrateur indépendant, contre les avenants au contrat de l'entreprise de construction – on en était au quinzième. » Il a ensuite expliqué qu'il était allé sur place pour vérifier et que l'entreprise lui avait dit : « Tu sais, si je ne vais pas là-dedans, j'arrête les travaux, parce que je ne peux pas m'en sortir. J'ai déjà perdu 250 millions. » C'est ainsi, a-t-il expliqué, que l'on passe au dix-septième, au dix-huitième, au dix-neuvième avenant… : une « vis sans fin », selon son expression. « J'ai eu la faiblesse d'annoncer pour 2014 la connexion au réseau parce que mes ingénieurs m'avaient dit : “Écoutez, chef, vous pouvez annoncer… allez, 2012, ça devrait coller.” J'ai pris deux ans de marge, mais bon… » Il y a donc un réel problème avec l'EPR. N'est-il pas problématique de s'être lancé dans une aventure qui n'était manifestement pas maîtrisée et de poursuivre cette fuite en avant ?

L'ASN a récemment mené une inspection dans l'usine Tectubi Raccordi à Podenzano, en Italie, où EDF sous-traite la fabrication des pièces de remplacement pour les circuits affectés par la corrosion sous contrainte. Dans son rapport du 7 novembre dernier, elle relève un sérieux problème de qualité, un manque de traçabilité et une surveillance insuffisante ; elle note en outre que les réapprovisionnements en pièces de remplacement se font à l'identique, faute d'un retour d'expérience incriminant les matériaux ou les procédés de fabrication. En tant que fabricant réglementaire, EDF est chargée du contrôle de la sous-traitance de ces pièces. Que pouvez-vous nous dire des conditions de fabrication dans cette usine ? Vu les difficultés que provoque la corrosion sous contrainte, comment se fait-il que l'ASN constate de tels manquements ? Avez-vous pris des mesures à la suite du rapport de l'ASN ? Peut-on garantir que les pièces de remplacement ne seront pas affectées par la corrosion sous contrainte ? Il me semble que c'est une question d'importance pour la sécurisation de l'approvisionnement énergétique français. Enfin, pourquoi sous-traitez-vous en Italie cette fabrication essentielle pour la sécurité de nos centrales ?

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