Le coût du capital est en effet essentiel dans la manière dont on calcule le coût de revient de l'électricité nucléaire. Le propre de telles installations est que l'on dépense beaucoup pendant la phase de construction et que l'on doit ensuite rembourser pendant des années avec les recettes de production la dette importante que l'on a contractée. Le coût pondéré du capital entre les fonds propres et la dette est de ce fait un élément majeur du coût de revient final. Quand on bénéficie d'une garantie d'un État, on emprunte à des taux bien inférieurs aux taux du marché, le coût pondéré du capital s'effondre et cela peut diminuer dans une proportion d'un à deux le coût de revient final. Les coûts d'exploitation étant relativement bas, même dans la durée, par rapport aux coûts de construction, c'est un point clé.
S'agissant de Taishan, les informations publiques dont on disposait lorsque j'ai quitté EDF il y a trois semaines – et je ne crois pas qu'il y en ait eu de nouvelles depuis lors – étaient, contrairement à ce que déclarait l'une des personnes auditionnées hier, que les deux réacteurs de la centrale fonctionnaient. Si le réacteur numéro 2 ne rencontre pas de difficultés particulières, le réacteur numéro 1 a subi une longue interruption afin d'analyser les causes des problèmes, ce qui a été fait. Les conséquences de la cause racine des difficultés ont également été analysées par les autorités finlandaises, françaises et britanniques de façon que quelques adaptations, non significatives, soient faites au moment du démarrage de Olkiluoto en Finlande, de Hinkley Point en Grande Bretagne et de Flamanville en France. En outre, la partie du réacteur qui a rencontré des difficultés fera l'objet d'une surveillance particulière, qui pourrait conduire à d'autres adaptations ultérieures. Cela n'aura néanmoins aucune répercussion ni sur le démarrage d'Olkiluoto, ni sur celui de Flamanville, ni sur celui d'Hinkley Point. Après environ une année d'interruption, le réacteur de Taishan 1 a redémarré et va terminer le cycle du combustible.
La politique de produit que j'ai menée chez EDF fut de construire des EPR aussi similaires que possible. Ce n'est pas toujours facile, car chaque autorité de sûreté est souveraine dans son pays et a sa propre conception de la sûreté. Le fonctionnement est différent de celui de l'aviation civile, où, quand on obtient une certification dans un pays comme les États-Unis, elle s'applique automatiquement dans tous les pays d'Europe et, de facto, dans tous les pays du monde. Il existe certes des contacts entre les différentes autorités de sûreté, mais ils restent informels. Le corps de doctrine de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) énonce seulement des principes généraux. De ce fait, les huit EPR de Taishan, d'Olkiluoto, de Flamanville, d'Hinkley Point et de Sizewell ne sont pas exactement identiques. Néanmoins tous appartiennent à la première génération d'EPR et sont de conception voisine ; c'est la mise en œuvre qui diffère – mais il faut bien reconnaître que cela coûte cher.
Quand je suis arrivé, les ingénieurs d'EDF considéraient que l'EPR tel qu'il avait été conçu dans les années 1990, dans le cadre des accords franco-allemands et alors que la division nucléaire de Siemens existait encore, était un peu compliqué. Ils ont progressivement mis au point un EPR dit optimisé. Celui-ci est désormais disponible pour le parc français qui va, je l'espère, être construit sur la base des décisions prises par le Gouvernement. Sa construction sera facilitée par un certain nombre de simplifications par rapport au modèle d'origine. L'Autorité de sûreté nucléaire a validé il y a un an et demi ou deux ans toutes les options de sûreté de cet EPR de deuxième génération. Nous travaillons désormais sur le design correspondant ; c'est une tâche longue et délicate mais qui ne devrait pas apporter de différences majeures par rapport à ce qui a été validé. Cette deuxième génération d'EPR est destinée à être déployée en France et à l'international.
Le contrat qui lie EDF à Alstom devenu General Electric (GE) est périodiquement revu. Cela concerne les turbines Arabelle tout comme la maintenance du parc hydroélectrique ou celle des turbines à gaz. GE a fait savoir il y a un an et demi ou deux ans qu'il ne souhaitait pas conserver son activité nucléaire en dehors des États-Unis et a demandé s'il était envisageable que cette activité industrielle soit reprise par EDF. Après une due diligence et de longs travaux d'analyse détaillée des comptes et des produits industriels, un accord a été signé entre GE et EDF. Cet accord est actuellement soumis aux autorités de contrôle des concentrations en Europe et dans d'autres pays du monde et devrait conduire à ce que, dans le courant de l'année 2023, EDF dispose d'une filiale industrielle fabriquant les turbines Arabelle et assurant leur maintenance.