Les énergies renouvelables sont un sujet délicat en France, parce que certains voudraient faire croire que l'on peut vivre dans un système fonctionnant avec 100 % d'énergies renouvelables, le surinvestissement qui correspondrait à un tel système étant passé sous silence. Rien n'est impossible, mais s'il s'agit de surinvestir à des fins de démonstration en oubliant l'aspect économique, il faut le dire.
L'hiver, il fait froid, il n'y a pas de soleil et il y a très peu de vent. S'il faut surinvestir pour faire face aux besoins en électricité l'hiver, on va multiplier les installations. Cela déboucherait, on le voit bien, sur une impasse. Ainsi, la question du quantum d'énergies renouvelables fait l'objet de débats un peu interminables.
Pour notre part, nous nous sommes demandé à quoi pourrait ressembler le système électrique français avec environ 60 % d'énergies pilotables, la part du nucléaire étant fixée par la loi à 50 % et celle de l'hydroélectricité n'étant guère appelée à augmenter au-delà des 10 % actuels, pour des raisons sur lesquelles nous pourrons revenir ultérieurement. Par hypothèse, le solde serait fourni par l'éolien et le solaire, sachant que 35 % d'énergies renouvelables, si l'on retient ce chiffre, cela correspond à des capacités de production tout à fait considérables.
À mon arrivée chez EDF, j'ai constaté avec surprise que les optimisations restaient un peu locales et qu'il n'y avait pas de vision globale de ce que serait l'entreprise quinze ans plus tard. C'est pourquoi, au premier semestre 2015, j'ai lancé Cap 2030, travaux de planification internes visant à doter EDF d'une vision stratégique exhaustive à l'horizon 2030. Il nous a alors semblé que, dans le cadre de la planification énergétique établie par le Gouvernement, notamment de la loi qui allait être votée, atteindre 50 gigawatts d'énergies renouvelables en 2030 serait un bon exercice.
Deux problèmes se posent concernant les énergies renouvelables : la gestion du système électrique et leur financement.
La gestion du système électrique relève de RTE, mais EDF joue évidemment un rôle important. Si l'éolien et le solaire doivent représenter demain 30 % ou 40 % de la production, contre 7 % ou 8 % actuellement, nous allons créer une dépendance à l'égard des importations de cellules solaires, de moteurs et de turbines d'éoliennes depuis la Chine. Ayant constaté le danger de la dépendance au gaz russe, il faut s'inquiéter de cette nouvelle dépendance, d'autant plus que la Commission européenne et le Parlement européen n'y accordent aucun intérêt.
D'ailleurs, une de mes surprises – il y a en a eu tellement pendant les huit ans que j'ai passés à la tête d'EDF ! –, c'est qu'il a été décidé à un moment donné, au niveau européen, de faire disparaître du jour au lendemain les taxes appliquées aux cellules solaires en provenance de Chine, alors qu'elles donnaient tout de même un petit avantage compétitif à ceux qui essayaient d'en produire en Europe. Il faut donc, me semble-t-il, que la doctrine européenne évolue à ce sujet. Peut-être cela sera-t-il le cas avec le mécanisme carbone aux frontières en cours de finalisation.
Quant au financement du passage de 28 à 50 gigawatts d'énergies renouvelables, il reposait sur un certain nombre d'hypothèses. J'ai beaucoup parlé de l'Arenh. En définitive, nous n'avons pas eu les moyens financiers nécessaires pour prendre, comme je l'aurais voulu, le rythme permettant d'atteindre les 50 gigawatts. Néanmoins, grâce à un gros effort, notamment le plan solaire, et à un travail de conviction des populations concernées – l'accélération de la production d'énergies renouvelables en France est un sujet difficile sur lequel vos collègues travaillent en ce moment même en séance publique –, nous avons rattrapé une grande partie de notre retard sur notre principal concurrent en matière de volumes d'électricité renouvelable produite en France ; je parle de l'éolien et du solaire, hors hydraulique. Nous ne l'avons pas tout à fait rattrapé, mais presque.