Le dossier méritait que je prépare une réponse circonstanciée. La voici.
La fermeture définitive des deux réacteurs de 900 mégawatts de Fessenheim date du premier semestre 2020, ce qui correspond à la période où les deux réacteurs ont atteint les quarante années de fonctionnement.
Dans les années qui précédaient leur fermeture, les deux réacteurs de Fessenheim étaient jugés par l'ASN comme appliquant de manière tout à fait conforme les règles de sûreté. Ils étaient considérés parmi les meilleurs du parc nucléaire français.
L'arrêt des réacteurs fait manifestement suite à une campagne de dénigrement permanente et ancienne de la part d'organisations non gouvernementales antinucléaires basées en France et surtout en Allemagne ainsi que de décisions de politique énergétique que je voudrais résumer comme suit.
En vertu d'un décret du 11 décembre 2012, un « délégué interministériel à l'avenir du territoire de Fessenheim » est chargé de « préparer et coordonner les opérations nécessaires à la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim et à la reconversion du site ».
La loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 plafonne à 63,2 gigawatts la capacité de production nucléaire en France. En pratique, elle ne permet pas la mise en service de l'EPR de Flamanville sans la déconnexion définitive d'une capacité nucléaire équivalente, qui correspond à peu près à deux réacteurs de 900 mégawatts. Par une décision du 13 août 2015, le Conseil constitutionnel rappelle le droit d'EDF à indemnisation par l'État au titre du préjudice subi du fait de l'application du plafonnement.
En application de ces lois et règlements. EDF exclut les deux réacteurs de Fessenheim du périmètre qui fait l'objet du projet dit VD4-900, pour quatrième visite décennale, du programme grand carénage, lequel a été autorisé par le conseil d'administration d'EDF à mon initiative en janvier 2015. Au deuxième semestre 2015, la fermeture des deux réacteurs devient donc inéluctable. Il va de soi que le PDG d'EDF en tant que mandataire social de l'entreprise aurait commis une faute de gestion si EDF avait poursuivi les travaux pour prolonger la durée de vie des réacteurs de Fessenheim en ignorant tant la loi de 2015 que le décret de 2012.
Les négociations entre EDF et l'État sur le protocole d'indemnisation, commencées en avril 2016, ont été ralenties notamment par le retard pris par la construction du réacteur EPR de Flamanville, qui conduit à désynchroniser la fermeture de Fessenheim de la mise en service de Flamanville. Fessenheim va donc aller jusqu'à quarante ans. Pour émettre un avis indépendant sur le protocole, le conseil d'administration d'EDF s'organise sous la forme d'un groupe de travail qui se réunit à de très nombreuses reprises. Le protocole est également amendé pour prendre en considération les observations de la Commission européenne et celles du comité ministériel des transactions au sein du ministère de la transition écologique et solidaire. Au fil des négociations et des observations, le conseil d'administration d'EDF a approuvé quatre délibérations relatives à ce protocole d'indemnisation, qui a finalement été signé par la ministre de la transition écologique et solidaire et par le PDG d'EDF le 27 septembre 2019. Le 30 septembre 2019, EDF a adressé la demande d'abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale de Fessenheim, qui a fait l'objet du décret du 18 février 2020. Un premier décret portant sur l'abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale de Fessenheim, daté du 8 avril 2017, avait été annulé par le Conseil d'État en octobre 2018.