Vous avez indiqué qu'il vous a fallu près de deux ans à comprendre les enjeux de votre poste à la tête de RTE. Durant cette période, vous avez touché 600 000 euros. Il aurait été légitime que vous ne touchiez qu'un salaire de stagiaire, soit 12 000 euros, et que vous rendiez 288 000 euros à l'État. De même, pendant deux ans, vous avez estimé qu'il était de votre droit de diriger une entreprise que vous ne compreniez pas avant d'en prendre la tête. Pourtant, depuis 2012, vous étiez proclamé principal conseiller énergie du candidat à la présidence de la République puis spécialiste au Parlement de ces questions. Je m'étonne que vous fassiez, de manière humoristique, une déclaration aussi grave et que vous considériez ne pas pouvoir répondre à la question du rapporteur.
Vous répondez aux questions en tant qu'homme politique, en disant qu'il faut avoir des croyances, des espoirs, des perspectives ou des horizons, pour ensuite justifier de la défaillance auprès de ceux que vous avez conseillés et qui vous ont élus en adoptant des propos à caractère technique. Vous ne pouvez passer sans cesse d'un discours à l'autre pour vous dédouaner de toute responsabilité sur l'ensemble des sujets.
Que ce soit en tant député ou de président de RTE, vous n'avez cessé de prétendre que le réseau, l'alimentation en énergie ou la souveraineté pouvait reposer sur 50 % d'énergies renouvelables ou non pilotables. Vous l'avez affirmé et vous continuez à le soutenir, alors que cela ne fonctionne pas. D'autres pays ont atteint cet objectif en Europe, comme le Danemark ou l'Allemagne. Considérez-vous que ces modèles pourraient fonctionner dans un horizon crédible en France ?
De la même manière, à la tête de RTE, vous étiez chargé de faire des perspectives. En tant qu'homme politique, vous en avez également fait. Vous ne pouvez donc pas dire que vous n'aviez pas prévu ce qui s'est passé. Vous avez dit que la stagnation de la consommation électrique ou sa légère décroissance étaient des perspectives crédibles. C'est faux : il s'agissait d'un parti pris. De nombreux hommes politiques et experts étaient en désaccord avec cette hypothèse. François Hollande lui-même, lorsque vous étiez son conseiller en 2011, parlait de réindustrialiser la France – ce qui aurait nécessité de nouvelles capacités électriques.
Vous estimez que vous ne saviez pas que le gaz coûterait plus cher. C'est également faux : dès 2011, le rapport de référence sur le gaz, « L'âge d'or du gaz », de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit une augmentation des prix du gaz en Europe, selon les scénarios, de l'ordre de 25 à 100 %. Cette augmentation était d'ailleurs prévisible dans la perspective d'un passage du charbon au gaz afin d'augmenter la part des énergies renouvelables. Vous ne pouvez donc pas dire que vous l'ignoriez : vous avez fait des choix politiques et vous n'avez pas révélé aux Français les conséquences qui s'ensuivraient.
D'ailleurs, vous dites vous-même en 2014 : « quand on change de modèle de croissance, il faut accepter d'avoir quelques incertitudes. » C'est un choix que vous avez fait, en sacrifiant de manière certaine la filière nucléaire française, pour des gains quant à eux incertains. Vous avez le droit, politiquement, de le proposer. Je ne vous reproche pas votre incompétence. Cependant, vous n'assumez pas ces choix.
Le rapporteur vous a interrogé sur les rapports RTE. Vous dites que vous n'en êtes pas responsable. Celui de 2019 présente un graphique en rouge, aussitôt noyé dans un déluge de propos rassurants et suivi d'un graphique dont les voyants sont au vert. Vous faites bien des choix de communication politique pour rendre accessible ce rapport technique, qui défendent toujours les positions que vous soutenez – et qui vont toujours dans le même sens que celles du gouvernement.