Il n'y a aucun mystère ni de sujet tabou.
J'ai vécu la fin des négociations d'Abu Dhabi. Je suis arrivé dix jours avant la remise définitive des plis, EDF ne participant pas au groupement constitué par Engie – Suez à l'époque –, Areva et Alstom. Les pouvoirs publics de l'époque m'ont sollicité car les Émiratis étaient très déçus que EDF ne soit pas autour de la table, considérant que la référence mondiale du nucléaire était EDF et non pas Suez qui n'en a pratiquement pas, ni personne d'autre. Les autorités d'Abu Dhabi se sont senties très humiliées par l'absence d'EDF.
Par ailleurs, il y a eu de nombreuses maladresses. Le consortium en question était constitué de personnes tirant chacune la couverture à elle. J'ai vécu cela en direct. Je n'entrerai pas dans le détail. Nous avons perdu le contrat d'Abu Dhabi, parce que la France était mal organisée, ni plus ni moins. Les Coréens l'ont emporté. Certes, nous étions plus chers. Nous aurions eu des possibilités, mais qu'à cela ne tienne, il arrive que nous perdions des appels d'offres. Je ne jette la pierre à personne. Nous avons perdu celui-là !
Cela a-t-il des conséquences ? Non. Les Coréens étant un petit groupe qui n'a pas les moyens de conquérir le monde du nucléaire, les conséquences ont été faibles. Il s'agit simplement d'un échec pour la France, je le reconnais.
S'agissant des investissements dans le nouveau nucléaire, vous avez cité le cas d'Olkiluoto qui concerne Areva, dont les mésaventures n'ont pas empêché EDF de continuer à investir. Elles ont probablement porté un préjudice grave à Areva. Mais c'est tout, cela n'a pas influé sur les choix de l'international par rapport à la France, jamais. Je vous ai indiqué précédemment les circonstances et la manière dont j'avais négocié le contrat britannique pour vous éclairer sur la manière que j'ai toujours eue d'optimiser nos investissements, en réservant à la France une position privilégiée. J'ai fait en sorte que les développements internationaux renforcent le groupe, mais non au détriment de ses capacités d'investissement en France. Ma réponse est très simple : non.
S'agissant des diesels d'ultime secours, vous savez ce qu'est un moteur diesel. Il ne s'agit pas de technologie lunaire ! Il fallait construire des moteurs de secours pour produire de l'électricité en cas de coupure, en cas de tsunami, une conséquence de Fukushima. On en a construit partout, y compris en Alsace, où les tsunamis sont plutôt rares, mais passons.
Comment gérons-nous un appel d'offres de ce type ? Tout simplement en ayant recours à une commission d'appel d'offres et à des techniciens qui jugent de la compétence des prestataires. De mauvais coucheurs ont considéré qu'ils auraient dû être choisis. C'est possible. Je me souviens même de chantages de l'entreprise allemande Man, qui considérait que cela lui était dû. Elle a engagé un procès, qu'elle a perdu.
J'assume la responsabilité du choix fait par la commission d'appel d'offres, à laquelle je n'ai pas participé. Entre-temps, j'ai quitté EDF. Cet appel d'offres n'avait d'ailleurs pour objet que de vérifier qu'ils étaient susceptibles de pouvoir être utilisés, car jamais un diesel de secours ne l'a été effectivement dans les centrales françaises qui n'ont jamais connu de coupure d'alimentation. Cet investissement était-il utile ? Cela se discute. Nous l'avons fait à hauteur de 1 milliard d'euros. La technologie était-elle la bonne ? Je le crois. Est-ce un choix économique ? Probablement en partie. Une fois encore, ce n'est pas la technologie qui peut aider à partager les gens : c'est du béton et des moteurs !