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Intervention de Julie Laernoes

Réunion du mardi 13 décembre 2022 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulie Laernoes :

Mes questions porteront sur la perte de la superbe de la filière nucléaire française qui découle de certains faits précis, notamment des contrats perdus avec les Émirats arabes unis et de l'échec commercial d'Abu Dhabi. Pourquoi la filière française, présentée comme le fleuron de notre industrie et référence mondiale dans le domaine du nucléaire, a-t-elle perdu en 2009 le contrat de 20 milliards de dollars, qualifié comme imperdable ? L'EPR était-il trop cher ? Les difficultés rencontrées sur les chantiers de Taishan ou d'Olkiluoto en Finlande ont-elles refroidi le gouvernement émirien ? Plus globalement, de votre point de vue, ces difficultés ont-elles entaché de façon durable et permanente la réputation du programme nucléaire français dans le monde ?

Nombreux sont ceux qui affirment que la France a, pendant des années, arrêté d'investir dans le nucléaire en France pour faire le choix prioritaire de l'exportation de l'EPR à l'étranger, notamment en Finlande et en Chine. Corroborez-vous ces propos ? A-t-on privilégié l'exportation avec des succès à géométrie variable, comme nous pouvons le constater, et au détriment d'investissements qui auraient été nécessaires en France ?

Autre sujet, les moteurs diesel d'ultime secours (DUS). Concernant l'appel d'offres relatif à l'installation des moteurs diesel d'ultime secours, qui a été remporté par Clemenssy-Westinghouse en 2013, de nombreuses voix s'élèvent depuis 2014 pour le contester, notamment Yves Marie Le Marchand, ingénieur en génie atomique et ancien membre de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire), ainsi que des ingénieurs d'EDF, pour critiquer le choix de retenir un prestataire sur des critères de prix plutôt que de qualité technique. Des contestations d'ordre juridique ont d'ailleurs été émises. Pourquoi ce choix a-t-il été fait à l'époque alors qu'il était largement contesté, y compris par les experts du nucléaire ? Avez-vous délibérément fait un choix économique au détriment de la sécurité ? Existe-t-il d'autres marchés sur lesquels EDF a privilégié des critères financiers au détriment de la qualité technique et de la sûreté ? Que pouvez-vous dire à ce jour de la qualité de ces DUS au regard de l'analyse qui en a été faite, notamment par Yves Marie Le Marchand, et des multiples départs de feu en 2021 ?

Ces DUS ont connu des retards d'installation mais également des problèmes techniques, lesquels n'ont été signalés à l'ASN par EDF que plusieurs mois après qu'ils se sont produits. Est-ce symptomatique de la communication entre EDF et l'ASN ? EDF tarde-t-il toujours à prévenir son agence de sûreté des défaillances techniques ? Il me semble important de vérifier ces points.

J'en viens aux liens maintenus avec Rosatom. Pendant des années, vous avez dirigé l'entreprise française de production de fourniture d'électricité. Aujourd'hui, vous continuez à siéger au Conseil consultatif international de Rosatom, le géant nucléaire russe, fondé par Vladimir Poutine, avec lequel vous vous êtes entretenu, comme le rapportent certaines revues de presse.

Actuellement, Vladimir Poutine occupe illégalement la centrale de Zaporijiia en Ukraine et fait subir des traitements inhumains aux employés ukrainiens. Il me paraît donc légitime de vous interroger sur la nature de votre poste au sein de cette firme. En quoi consistent vos activités ? Quels conseils êtes-vous susceptible d'apporter à cette firme ? Êtes-vous impliqué de près ou de loin dans les accords-cadres entre Framatome et Rosatom ? L'occupation de la centrale ukrainienne est-elle évoquée au sein du conseil consultatif et, question bien humaine, pourquoi maintenez-vous vos liens avec cet acteur russe ? Pourquoi ne démissionnez-vous pas ?

Toujours en lien avec la Russie, en 2013, vous avez cessé l'activité de réenrichissement de l'uranium de retraitement parce que les pratiques environnementales de Tenex, filiale de Rosatom, avaient été sévèrement critiquées et parce que le procédé dans les usines russes semblait insuffisant. Cela s'est passé sous votre direction. Comment expliquez-vous que les accords-cadres aient été passés en 2018 pour reconduire cette activité ? De quelles compétences manque-t-on en France pour réenrichir l'uranium de retraitement, ce qui justifierait que l'on conclue des accords avec les entreprises russes comme Rosatom et Tenex ?

J'en viens aux liens avec la Chine, à l'équipe du nucléaire et aux désaccords manifestes dont vous avez fait état lors de l'audition avec la présidente d'Areva de l'époque, Mme Lauvergeon. L'enquête de l'Inspection générale des finances lancée en 2013 devait déterminer si vous aviez fourni des secrets technologiques nucléaires à la Chine. L'ouverture de cette enquête aurait-elle joué, selon vous, un rôle dans le non-renouvellement de votre contrat à la tête d'EDF en 2014, puisque, manifestement, vous pensiez être reconduit et que vous ne l'avez pas été ? Des raisons ont bien dû présider à cette décision.

Nous parlons d'indépendance et de sécurité d'approvisionnement énergétique. Sur le plan des enjeux géopolitiques, vous avez évoqué les liens avec les Saoudiens, notamment l'entreprise du beau-frère de Ben Laden. J'imagine bien qu'à cette évocation, les Britanniques aient éprouvé un mouvement de recul. Manifestement, l'État français, en tout cas l'entreprise EDF, a manifesté moins de réticences ! Cela peut poser des interrogations sur la place de l'État français et surtout sur l'indépendance et la souveraineté de nos décisions, y compris en matière énergétique.

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