Merci, monsieur Proglio, de votre exposé très complet qui couvre des sujets très différents.
Au début de votre présentation, vous avez soulevé un sujet assez original sur lequel j'aimerais que vous reveniez, à savoir le problème de la rémunération des professionnels, en particulier des cadres, aussi bien dans l'ingénierie que dans la gestion, susceptibles d'être conservés dans la filière par rapport à la concurrence mondiale qui s'opère s'agissant des cadres dirigeants et des ingénieurs. Pourriez-vous revenir sur la situation que vous avez trouvée : retenir les talents susceptibles de quitter votre entreprise pour d'autres entreprises françaises ou internationales a-t-il été un problème ? Conserver ou retenir des talents continue-t-il d'être une difficulté à l'heure actuelle ? Une réflexion doit-elle être menée pour garder les compétences formées en France ou, le cas échéant, pour attirer des compétences de l'étranger dans la reconstitution de la filière ?
Vous avez évoqué le potentiel d'énergie hydraulique qui reste à exploiter. Lorsque vous étiez président d'EDF, avez-vous transmis aux gouvernements des éléments quantifiés sur le potentiel restant à exploiter, aussi bien pour la production d'électricité que pour l'installation de nouvelles Step (station de transfert d'énergie par pompage-turbinage) ?
Vous avez souligné – j'essaie de respecter les termes que vous avez employés – que vous aviez assisté à des décisions absurdes ; vous avez ajouté que les conséquences de ces décisions étaient prévisibles. Vous avez également décrit des capacités d'influence, des lobbyings de l'Allemagne, qui ont réussi, au travers de l'autorité bruxelloise. Comment expliquez-vous qu'une nation arrive à défendre, d'un côté, des intérêts purement nationaux à l'échelon européen et que, inversement, des responsables politiques, vos interlocuteurs, mais aussi des responsables industriels, voire des responsables administratifs, non soumis à la pression des élections et, par nature, inamovibles et protégés, ne défendent pas l'intérêt national, voire prennent des décisions en pleine connaissance de cause contraires à l'intérêt national, et même contraires à leurs propres intérêts égoïstes ?
Vous avez poursuivi votre propos en évoquant les conséquences financières de l'Arenh. Depuis de nombreuses années, avant même mon mandat, j'ai essayé d'obtenir une estimation de la perte financière qu'a représenté la mise en place de l'Arenh pour EDF. Cette perte liée à l'augmentation de l'Arenh a été estimée à 16 milliards d'Ebitda sur un an, de mémoire. Certes, les circonstances étaient exceptionnelles. Cela dit, même avant la crise du gaz et l'emballement du prix de l'électricité européenne, en tant que dirigeant d'EDF, avez-vous estimé et transmis au gouvernement le montant que l'Arenh faisait perdre à EDF ? Par projection, combien a-t-on perdu sur l'ensemble de ces années ? Au-delà de la question du prix de l'électricité que vous avez bien expliquée, quelles ont été les conséquences de l'Arenh pour la pérennité et la capacité d'investissement d'EDF ?
Sous les questions du président de la commission, vous avez commencé à aborder les questions des filières industrielles. Vous avez cité M. Kron, à l'époque président d'Alstom, Mme Lauvergeon, présidente d'Areva, et M. Mestrallet, responsable de Suez. La filière industrielle de production de matériel industriel s'est effondrée avec la vente d'Alstom. Vous avez été président d'EDF entre deux événements : d'une part, le premier démantèlement d'Alstom sous l'impulsion bruxelloise que l'on présentait à l'époque comme un plan de redressement – mon propos n'engage que le parti que je représente : c'était le premier plan d'affaiblissement d'Alstom, prémices de son effondrement ; d'autre part, sa vente par M. Montebourg, puis M. Macron.
Vous avez donc vécu la période intermédiaire, notamment les relations entre Alstom et Areva. On avait obligé Alstom à transmettre à Areva ses transmissions-distributions, qui était une filière particulièrement rentable qui, me semble-t-il, est revenue à Alstom sous votre mandat. En tant qu'expert du domaine, avez-vous un commentaire à faire sur la fragilisation aussi bien d'Alstom que d'Areva, voire d'autres filières comme Power Conversion, dont vous avez eu à connaître le dossier ?
En tant qu'acteur, le gouvernement vous a-t-il demandé, à un moment ou à un autre, de reprendre le contrôle capitalistique de certaines activités industrielles ? Pensez-vous que cela aurait été une bonne idée ? Les dirigeants d'EDF ont ensuite, visiblement sous la contrainte, pris le contrôle de certains outils industriels, faisant savoir au gouvernement, selon les informations dont nous disposons à travers la presse, que ce n'était pas précisément le métier d'EDF. Cela ne l'a pas empêchée d'acquérir Framatome et de récupérer les turbines Arabelle en 2021. Que pensez-vous de ces mouvements ? Estimez-vous que c'est le métier d'EDF ou, au contraire, qu'il aurait été préférable de créer un champion type CGE, capable de maîtriser l'ensemble de la filière industrielle comme le font Toshiba, Hitachi et d'autres conglomérats à travers le monde ?
Autre sujet industriel, sauf erreur de ma part, sous votre mandat, vous avez acquis Photowatt, producteur de panneaux photovoltaïques français. Quelles sont les conditions de cette acquisition ? S'agissait-il d'une stratégie de votre part, d'une demande du gouvernement ? Que pensez-vous de cette entreprise ? Plus globalement, le Parlement étudie actuellement la suite de la planification du potentiel photovoltaïque dupliqué par dix, sans filière française. Que pensez-vous de la stratégie qui a été menée pour développer et protéger – ou surtout ne pas protéger – la filière française ? Quelle leçon pourrions-nous en tirer afin que cela ne se reproduise pas ?
Pourriez-vous nous éclairer sur les conditions des négociations du réacteur Penly 2 ? Où en étaient les négociations ? Comment ont-elles pris fin ?
Enfin, il me semble que vous étiez particulièrement offensif – selon moi, à juste titre – dans la défense des intérêts d'EDF, et donc du contribuable consommateur, dans l'accord de fermeture de la centrale de Fessenheim. Je ne sais plus si c'est sous votre mandat ou sous celui de votre successeur que l'accord final a été conclu. Que pensez-vous de cet accord ? L'analyse du parti que je représente estime qu'il s'agit d'un accord au rabais, qu'il ne défendait pas les accords d'EDF. Une fois de plus, EDF n'a-t-elle payé à double titre, en fermant son outil d'industrie économique et en acceptant un accord fondé sur des fondamentaux économiques qu'aucune autre entreprise privée n'aurait accepté ?
Au regard de votre expertise, estimez-vous que des étapes définitives du démantèlement de la centrale de Fessenheim ont été franchies puisque, depuis une semaine, on entend des voix discordantes sur ce sujet ?