Hinkley Point est la première étape d'un programme nucléaire britannique qui en compte trois, prévu et négocié avec les pouvoirs publics. J'ai négocié personnellement le contrat avec le Premier ministre britannique.
Le financement était très simple. Le contrat portait sur plusieurs thèmes.
Premièrement, la construction de deux réacteurs nucléaires EPR.
Deuxièmement, j'ai réussi à faire adopter par les Britanniques un contrat qu'ils appelaient Contract for difference, qui n'est autre que l'application en droit britannique de ce que nous appelons en France un contrat de garantie de recettes dans le transport public. Je me suis calqué sur ce schéma : une bande passante tarifaire est prévue ; si les prix du marché la dépassent, une redevance est due au concédant qu'est l'autorité britannique ; si, inversement, les recettes sont insuffisantes, le gouvernement britannique a droit à une subvention jusqu'au haut de la bande passante. Cela correspond exactement au contrat de garantie de recettes à la française. Le contrat de base d'Hinkley Point se fonde sur ce principe.
Troisièmement, j'ai négocié avec les Britanniques que le tarif appliqué serait de 92,50 livres le mégawattheure quand, à l'époque, le prix du marché en Grande-Bretagne était de 40 livres. Le contrat était garanti sur trente-cinq ans à 92,50 livres le mégawattheure.
Enfin, j'ai négocié avec les pouvoirs publics britanniques que EDF soit actionnaire à 45 % seulement du projet afin que nous déconsolidions la dette de notre bilan. Il manquait 55 %. J'avais tordu le bras d'Areva pour lui imposer de prendre 10 % du capital, sous les couinements de mon interlocuteur, Luc Oursel, qui nous a malheureusement quittés prématurément. Je l'avais informé que le capital social serait de 5 à 7 milliards de livres. Dix pour cent représentant 700 millions de livres, je lui avais proposé de lui verser un acompte sur commande, à due concurrence, évitant tout problème de trésorerie. Il a finalement accepté.
Puis, j'étais parti vendre le projet en Chine. J'ai trouvé deux acteurs chinois : China National Nuclear Corporation (CNNC) et China General Nuclear Power Group (CGN), notre partenaire historique. Cela s'est fini, comme toujours, par un arbitrage du président chinois, Hu Jintao à l'époque, qui a désigné CGN comme opérateur, en demandant aux deux nucléaristes d'être à parité. CNNC et CGN voulaient prendre 45 % du capital. Je pensais qu'avoir une participation chinoise à 45 % poserait problème. Je ne voulais pas qu'ils soient à parité avec nous afin d'éviter tout conflit de responsabilité ; j'avais donc convaincu les Saoudiens qui avaient un programme nucléaire « sous le coude » de se joindre au projet. Les Saoudiens avaient choisi le groupe Ben Laden pour être leur représentant. J'avoue avoir rencontré un succès mitigé auprès de David Cameron quand je lui ai annoncé que le groupe Ben Laden allait investir dans le nucléaire en Grande-Bretagne. Il m'a dit : « Non, attendez, les Chinois, c'était déjà difficile, mais Ben Laden dans le nucléaire... Laissez-moi passer les élections. » Il a été battu.
L'idée reposait donc sur une participation à hauteur de 45 % d'EDF et des consolidations. Le sujet se limitait, d'une part, au capital social, mais 7 milliards de livres ne sont pas la mer à boire, et 45 % de 7 milliards ne représentent pas un montant problématique pour EDF. D'autre part, la dette, autre élément de discussion, était garantie par la Banque d'Angleterre. Passant un contrat avec les Britanniques, il me semblait préférable de se garantir. J'ai pensé que les 92,50 livres ne seraient appliqués que dix ans plus tard – j'étais optimiste sur la construction de l'EPR ! – et qu'il valait mieux que les Britanniques soient solidaires de l'équilibre économique du projet. Aussi leur ai-je demandé de garantir la dette, ce qu'ils ont accepté. Le financement ne posait guère de problèmes métaphysiques. Après mon départ, le contrat a évolué de manière très différente, d'où la démission de mon directeur financier.