Bien évidemment ! J'ai négocié une pente tarifaire avec les pouvoirs publics au plus haut niveau. Plutôt que de procéder par augmentations successives, disposer d'une visibilité me paraissait préférable. Je crois davantage à une forme d'indexation des tarifs qui, par projection, permet à chacun de gérer ses contraintes. Peut-être est-ce mon ancien métier d'opérateur délégué de service public dans la distribution d'eau ou dans les déchets qui veut cela. Dans ces secteurs, des formules de variation de prix sont négociées à l'avance et permettent d'anticiper des évolutions tarifaires plusieurs années à l'avance, de sorte que les responsables politiques puissent en prendre acte et secourir les personnes qui ont besoin d'être aidées, tout cela intervenant dans un continuum plus rationnel. J'ai négocié cela et reconnais avoir obtenu de mon interlocuteur une pente tarifaire.
Quelques mois plus tard, elle a été cassée par décret du ministre ou de la ministre. J'en ai eu sept en cinq ans ; cela fait aussi partie des joyeusetés qui s'attachent au sujet. On investit sur des durées très longues, c'est un métier où l'on gère le temps long : les investissements sont amortis sur quarante, soixante ans, voire cent ans pour les barrages, non pas comptablement mais économiquement. Travailler avec des ministres dont la durée de vie ne dépasse pas neuf mois est assez difficile à gérer ; je le dis pour l'avoir vécu. Chaque ministre est très demandeur de communication et désireux d'attacher son nom à un projet populaire. Prendre la décision de refuser l'augmentation des prix de l'électricité était, à court terme, relativement populaire. J'y ai eu droit aussi.
La discussion avec les pouvoirs publics, sous toutes leurs formes, est inévitablement complexe, mais tout cela remonte assez vite à de très hauts niveaux, car personne ne peut prendre une telle décision sans avoir l'aval et l'accord explicites du politique. Je comprends qu'augmenter les tarifs place le politique en difficulté. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré une gestion commune au travers d'une pente tarifaire. J'ai toujours la faiblesse de penser que c'était la bonne solution.