Il est traditionnel que le nouvel arrivant trouve beaucoup de défauts à son prédécesseur et, bien sûr, à son successeur !
J'ai trouvé, quant à moi, une maison en assez bon état, avec de très belles compétences. Je dois reconnaître que j'ai été très heureux de la densité des compétences que j'ai trouvées à mon arrivée. En outre, EDF, qui avait tout de même financé le programme nucléaire français, ce que l'on oublie souvent de mentionner, ne rencontrait pas de grandes difficultés financières. L'endettement de la société en était le résultat, mais il était parfaitement acceptable.
J'ai donc trouvé une maison plutôt en bon état. J'ai essayé de lui donner une impulsion supplémentaire. J'ai procédé à quelques arbitrages : j'ai donc vendu la filière allemande ; j'ai repris le contrôle de la filière italienne puisque nous détenions 40 % de la filière italienne Edison et 2,5 % du droit de vote – nous avons pris le contrôle d'Edison par échanges de titres avec les organisations de l'Italie du nord, sans rien débourser ; j'ai, par ailleurs, mené à bien la négociation du contrat britannique sur le nucléaire.
J'ai quitté EDF avec émotion à la fin de l'année 2014, le bilan ayant, par définition, été arrêté par mon successeur. Lorsque l'on quitte une entreprise à la fin de l'année, le successeur arrête les comptes.
Le bilan de l'année 2014 s'est établi à 78 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 17,5 milliards d'Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), et le résultat net après impôts ressortait à 3,75 milliards, le meilleur résultat obtenu par EDF de tout son parcours. Le ratio dette/Ebitda, qui sert à calculer le niveau d'endettement, acceptable puisque ce n'est pas la valeur absolue qui compte, était légèrement inférieur à trois, parfaitement acceptable au regard des normes les plus sévères. J'en félicite mes équipes, car il ne s'agit pas d'un travail individuel, mais EDF était en pleine forme, malgré toutes les vicissitudes auxquelles nous avions été soumis par les réglementations françaises et européennes, loi Nome et autres. Nous avions donc survécu à tout cela. Il n'en reste pas moins que toutes ces réglementations ont abîmé durablement les performances de l'entreprise – nous en avons vu les conséquences.
Une préoccupation se dessinait toutefois en matière sociale. Je n'avais pas été confronté à des mouvements de grève au cours des cinq années de mon mandat ; le climat social était apaisé. La préoccupation portait plutôt sur la formation qui, à mon sens, méritait d'être renforcée. J'ai donc créé un centre de formation dédié afin de renforcer la capacité de formation des équipes au sens large, en ne me limitant pas aux cadres dirigeants. Par ailleurs, une préoccupation de fond portait sur le renouvellement des cadres du nucléaire, auquel nous n'avons pas réussi à apporter une vraie réponse pour les raisons que j'ai rappelées : le désamour du nucléaire dans l'opinion publique et les médias, et le fait que l'on respectait une norme de rémunération assez exigeante.