La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), administration centrale du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a été créée en 2008. Elle est chargée de proposer et de mettre en œuvre les politiques relatives à l'énergie et au climat, qu'il s'agisse de l'adaptation au changement climatique, de l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, de la qualité de l'air, de la sécurité et des émissions des véhicules.
Ainsi, nous élaborons les réglementations ou les politiques incitatives, comme les diverses aides à la rénovation énergétique, aux énergies, ou à la mobilité décarbonée. Nous contribuons à leur application, directement ou indirectement, ou en nous appuyant sur des établissements publics comme l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence de la transition écologique (Ademe) ou l'agence des services et paiements. Nous effectuons aussi des missions opérationnelles, comme l'homologation des véhicules, la surveillance de marchés, dont celui des véhicules, ou les contrôles des certificats d'économie d'énergie (CEE).
Ce travail est mené en lien avec plusieurs ministères et directions, dont le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, celui de l'agriculture, celui de la transition écologique ainsi que les autorités indépendantes, comme la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'autorité de sûreté nucléaire (ANS). Notre travail a une dimension européenne et internationale, mais aussi territoriale, puisque nombre de politiques réglementaires et incitatives sont appliquées par les services déconcentrés de l'État – en l'occurrence, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal).
La souveraineté et l'indépendance dans le cadre des politiques énergétiques trouvent leurs racines dans des définitions et des objectifs fixés dans les lois ou dans les documents de programmation qui en découlent. Vous avez en particulier cité les PPE, qui dessinent l'ensemble des enjeux et actions énergétiques autour de grands axes, notamment la décarbonation de l'énergie, la sécurité d'approvisionnement, la compétitivité et la lutte contre la précarité énergétique. Ces objectifs sont également inscrits dans des directives et règlements européens. Le paquet Fit for 55, en cours d'étude, propose des objectifs et des outils pour l'Europe. D'autres de ces textes ont trait au marché ou encore à la sécurité d'approvisionnement.
La souveraineté désigne la capacité à définir et conduire sa politique. L'indépendance énergétique a souvent été définie comme la production sur le sol d'un pays d'une part importante de l'énergie consommée. Les lois parlent davantage de sécurité d'approvisionnement, que je définirai comme la capacité à satisfaire les besoins énergétiques de façon continue et à des coûts raisonnables par rapport à une demande prévisible. Un taux d'indépendance plus élevé contribue donc à la sécurité d'approvisionnement. Cependant, la France importe plus de 99 % des ressources utilisées pour produire des énergies fossiles et nucléaires.
Plusieurs stratégies permettent de lutter contre cette limite. La maîtrise de la demande, notamment en matière d'énergies fossiles, a toujours été importante en Europe. La France a cherché à développer des productions nationales et décarbonées en s'appuyant sur les énergies renouvelables et du nucléaire. Face aux limites en approvisionnement national, la diversification des sources d'approvisionnement, corrélée à l'existence d'infrastructures pour gérer les approvisionnements, fournit une piste de solution, doublée d'obligations légales et réglementaires pesant sur les fournisseurs d'énergie ou les opérateurs d'infrastructures. La sécurité de l'approvisionnement repose également sur l'anticipation sur le plus long terme.
Par ailleurs, les acteurs économiques et politiques et les politiques publiques accordent une importance croissante à la maîtrise des technologies pour gagner en souveraineté énergétique. Ce constat est particulièrement valable dans le domaine nucléaire, où les partenariats avec différents pays imposent de s'interroger sur le droit, ou non, de recourir à telle ou telle technologie. De plus, la technologie revêt divers enjeux de mobilité, porteurs de valeur ajoutée économique pour la France.
S'agissant de la crise actuelle, la France importe depuis longtemps 99 % de son pétrole brut ainsi qu'une part non négligeable de son diesel ou des carburants combustibles assimilés comme le fioul ou le kérosène – les raffineries, en proportion, produisant en effet plus d'essence que de diesel. Même si le pétrole a été fortement dérégulé durant des décennies, nous disposons de quelques leviers d'action. Tout d'abord, les biocarburants et le e-fioul peuvent être incorporés au gazole moteur jusqu'à environ 7 %. Cette proportion peut évoluer, mais elle sera néanmoins limitée en raison des conflits d'usage des sols : nous ne pourrons pas couvrir la totalité de notre consommation actuelle grâce aux biocarburants.
La diversification des approvisionnements représente un autre levier pour garantir notre sécurité. Nous assurons un suivi continu des acteurs raffineurs et réglementaires. L'embargo sur le pétrole brut russe est entré en vigueur le 5 décembre. Toutefois, la France avait déjà diversifié ses approvisionnements, puisqu'aucun de nos fournisseurs en pétrole brut ne représente plus de 20 % de nos approvisionnements.
Les stocks stratégiques forment une autre manière d'assurer notre sécurité d'approvisionnement. Les réglementations européennes et celles de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) imposent un stock de quatre-vingt-dix jours. Au niveau réglementaire, nous élaborons des plans de répartition de ces stocks sur le territoire.
La guerre en Ukraine a laissé place à deux approches successives. Nous craignions à la fois une rupture volontaire par la Russie de ses exportations, tout en souhaitant adopter rapidement des sanctions contre ce pays. Dès février, puis en juin, lorsque l'embargo est entré en vigueur, nous avons établi un suivi rapproché avec les opérateurs pour leur demander de nous rendre compte de leur plan d'approvisionnement. Le dérisquage est total pour le brut et il est en cours de finalisation pour les produits raffinés, les acteurs négociant généralement à l'automne les contrats d'approvisionnement pour un an. Nous pouvons penser que les approvisionnements sont aujourd'hui sécurisés, malgré les tensions logistiques engendrées, puisque la Russie était notre plus proche producteur. En raison d'une diminution de la demande, l'embargo n'a pas engendré d'augmentation des prix du pétrole.
S'agissant des carburants, la PPE à venir devra prendre en compte l'électrification croissante du secteur des transports ainsi que la fin de l'utilisation du fioul dans le chauffage. Par conséquent, le nombre d'infrastructures nécessaires diminuera. Nous devons donc nous demander comment maintenir les infrastructures actuelles, qu'il s'agisse d'oléoducs ou de dépôts.
Depuis la fin de l'exploitation du gisement de gaz du Lacq, la France importe la totalité de son gaz. Les objectifs définis dans les textes législatifs et réglementaires sont dimensionnés pour résister à un hiver cinquantennal et trois jours de pointe de froid. Ils sont traduits dans les plans décennaux des gestionnaires de réseau pour définir des infrastructures, entre autres de transport. Sept interconnexions aux frontières, quatre terminaux et douze stockages permettent d'injecter, en théorie, 6 TWh par jour, contre un besoin de pointe estimé selon cette prévision à 4 TWh. Le système intègre des redondances. Il résiste à l'arrêt total des imports russes en matière de volumes. Ces dernières années, les importations russes représentaient un peu moins de 20 % des importations de gaz en France. Par ailleurs, les fournisseurs sont soumis à des obligations concernant la diversification de leur portefeuille et l'aptitude à répondre aux pointes de froid. Par ailleurs, une disposition introduite par la loi en 2015 et finalisée par ordonnance fin 2018 après discussion avec la Commission européenne impose aux fournisseurs de réguler leur stockage pour assurer leur équilibre économique et d'élaborer un plan d'urgence.
La crise de 2022 a rappelé la nécessité de diversifier l'approvisionnement européen, mais aussi français, avec un recours accru au marché du gaz naturel liquéfié. Nous avons également dû faire preuve d'interactions européennes en maximisant notre rôle de plaque entrante et sortante vers l'Italie, la Suisse et l'Allemagne, ce dernier pays ne disposant pas de terminaux méthaniers et dépendant à 50 % du gaz russe.
Dans le cadre de cette crise, plusieurs mesures ont été prises. Un règlement européen fixe aux États des trajectoires de remplissage des stockages, tandis que sur le plan national, la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a fait entrer en vigueur des dispositions qui permettent à l'État de demander aux stockeurs d'acheter du gaz pour son compte, en couvrant les éventuelles pertes financières. Cependant, le stockage s'est révélé suffisant pour cette année. En effet, à la mi-novembre, le niveau de stockage atteignait son maximum, soit 132 TWh. Le Gouvernement a également pris la décision d'implanter un terminal flottant au Havre en cours de déploiement par Total, qui permettra d'importer davantage de GNL pour une durée provisoire de cinq à dix ans. Ce terminal est situé dans la zone nord de la France, où les besoins en gaz sont plus importants, dans l'objectif également de fluidifier les flux vers nos voisins.
Enfin, nous devons poursuivre nos efforts sur la décarbonation et la maîtrise de la demande des usages du gaz. Le fonds chaleur a été augmenté, un appel à projets « industries zéro fossile » a été lancé. Notre ministre a annoncé un plan géothermie, qui permet de se chauffer à moindre prix qu'au gaz. Le développement du biogaz atteint 3,7 %, ce qui représente une réserve de gaz de plus de dix jours. Cette production devrait facilement pouvoir être doublée ou triplée.
La souveraineté énergétique sera mise à mal dans les années 2023 à 2025. La provision en gaz russe est en effet restée relativement importante en première partie d'année. Ainsi, nous devrons poursuivre nos efforts pour maîtriser la demande, développer le biogaz, sécuriser le GNL, voire, renforcer les obligations des fournisseurs d'établir des contrats de semi-long terme.
Pour finir, je souhaitais aborder la question de l'électricité. Le principal enjeu de sécurité d'approvisionnement en ce domaine concerne la capacité à surmonter les pointes de consommation en hiver, liées à la thermosensibilité du chauffage électrique. Un certain nombre de mécanismes ont de tout temps été prévus pour y faire face. Sur le long terme, je pense notamment à l'efficacité énergétique dans les logements, qui, même s'ils sont chauffés à l'électricité, est source d'économies. En 2018 est entré en vigueur le mécanisme de capacité, qui oblige les fournisseurs à prouver qu'ils ont la disponibilité suffisante pour faire face aux pointes grâce à des contrats avec des opérateurs. Des mesures de limitation des tensions, voire, de gestion des crises, sont également prévues, comme les mesures d'effacement et d'interruptibilité qui consistent à rémunérer les acteurs pour consommer moins en cas de pointes. La tension électrique peut également être diminuée de 5 % pendant quelques heures si nécessaire. Enfin, l'organisation d'un délestage est envisageable.
Trois facteurs pèsent sur l'approvisionnement électrique européen et français. Le premier identifié en Europe est la disponibilité de gaz et d'électricité produite à partir de gaz pour les pays importateurs ou consommateurs d'électricité gazière comme la France. Ce risque est un peu moindre en cœur d'hiver. La situation reste toutefois sous vigilance jusqu'au printemps.
Le second facteur de tension est l'hydroélectricité. La sécheresse cette année a entraîné une diminution des ressources, quoique les récentes pluies aient permis de reconstituer les réserves. La capacité en termes de puissance instantanée délivrable est ainsi quasiment revenue à son niveau habituel.
À ces facteurs s'ajoutent en France la faible disponibilité du parc nucléaire durant l'été et le début de l'automne, qui s'explique d'abord par le retard d'opérations de maintenance notamment reprogrammées en raison du covid. Ces maintenances étaient assez lourdes, puisque certains réacteurs attendaient leur troisième ou quatrième visite décennale, laquelle nécessite davantage de travaux importants. De plus, la découverte d'un phénomène de corrosion sous contrainte sur les réacteurs du palier 1450 MW a entraîné la mise à l'arrêt de plusieurs centrales pour réparer ou contrôler les fissures.
Pour remédier à ces tensions, plusieurs mesures ont été entreprises sur la consommation et le plan de sobriété, le renforcement des capacités d'effacement autour de divers appels d'offres, la mobilisation des capacités de production thermiques et renouvelables, le suivi très pointu demandé par la ministre à EDF de la remontée en puissance du parc, et, enfin, la préparation à la gestion de crise incluant, en dernier recours, le délestage. Plusieurs améliorations sont déjà à signaler, notamment en matière d'hydroélectricité et de disponibilité du gaz dans la première partie de l'hiver. Par ailleurs, certains réacteurs ont repris leur activité. La production s'élève ainsi à près de 42 GW. La vigilance reste néanmoins de mise.
Le Président de la République a dessiné les perspectives énergétiques lors de différentes interventions. Des études demandées par la précédente PPE nous poussent à considérer que nous devrons consommer moins d'énergie, mais que nous aurons toutefois besoin de davantage d'électricité. Il nous faudra donc renforcer les piliers de l'efficacité énergétique et développer les énergies renouvelables. Pour l'électricité, les deux piliers de développement significatifs sont la forte croissance des énergies renouvelables et un parc nucléaire important, prolongé tant que la sûreté le permet, et appuyé par un programme de construction de nouveaux réacteurs. Le renforcement des réseaux, de la flexibilité et du stockage sera nécessaire. Ces prospectives requerront aussi de nouveaux cadres de régulation. À la suite de la crise, sous l'impulsion de nombreux pays, dont la France, la Commission européenne devrait proposer prochainement une consultation sur la réforme des marchés de l'électricité. Nous estimons que ces derniers doivent mieux refléter les coûts pour l'ensemble des consommateurs, mais aussi donner une lisibilité aux investisseurs grâce à une moindre volatilité. Cela sera vrai tant pour notre nucléaire existant que nouveau, ou que pour les énergies renouvelables. En France, nous aurons aussi besoin de traiter le cas des concessions hydroélectriques et de leur prolongation à l'échéance déjà advenue pour certaines, afin de libérer un certain nombre d'investissements.
Parmi les défis auxquels nous devrons faire face figure celui du déploiement des énergies renouvelables, en accélérant les processus maîtrisés et en en développant d'autres procédés. S'agissant du nucléaire, aux chantiers de prolongation s'ajoutent le réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH) en cours de finalisation au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le projet centre industriel de stockage géologique (Cigéo), et le développement de nouveaux réacteurs. L'État s'est doté d'une délégation au nouveau nucléaire conduite par M. Joël Barre.
Des défis spécifiques se poseront à la prolongation du parc, qui induit des arrêts plus longs. Cependant, des marges de progression subsistent sur la maîtrise des arrêts et leur durée. Le vieillissement des installations, en outre, fait souvent émerger de nouveaux problèmes, que nous devons mieux anticiper.
Nous devons également préparer l'avenir du cycle aval du combustible. La sécurité d'approvisionnement en uranium et en combustible de retraitement a été renforcée par les installations de La Hague et de Melox. Toutefois, les usines atteindront leur fin de vie aux alentours de 2040. Des investissements seront à envisager dans le cadre de la loi de programmation et de la PPE.
La maîtrise de la demande et les énergies renouvelables restent des leviers sur lesquels nous devons jouer davantage pour gagner souveraineté, en indépendance et en sécurité d'approvisionnement. Depuis quelques années, l'efficacité énergétique s'élève à 1,5 ou 2 % du PIB : notre consommation baisse de 2 % si notre PIB stagne ; pour une augmentation de 2 % du PIB, notre consommation est stable. Les projections montrent que les efforts doivent être doublés pour livrer assez énergie décarbonée dans le futur.
La production d'éolien et de solaire a atteint 50 TWh en 2021 et double avec l'hydraulique. Ce sont 100 TWh de gaz qui auraient été nécessaires pour les produire sur la plaque européenne. Chaque térawattheure gagné en énergie renouvelable électrique et en biogaz compte. Sur 400 TWh consommés, 15 sont issus du biogaz. Le doublement, voire, le triplement de ce volume aurait des effets importants, notamment sur les prix. En économisant 2 ou 3 TWh chaque année sur les réseaux de chaleur, nous économisons 45 TWH de gaz.
Enfin, le plan France 2030 a intégré la nécessité de mener la transition dans notre production, dans nos véhicules, dans nos usines, mais aussi de maîtriser les technologies et de développer de l'industrialisation. La moitié de ce plan est consacrée à la transition écologique et comprend des volets sur l'industrialisation du solaire et de l'éolien flottant. Un milliard d'euros sont dédiés aux petits réacteurs modulaires (SMR). Le plan intègre également un volet sur la décarbonation de l'industrie et dote enfin la stratégie hydrogène de 9 milliards d'euros. Le plan aborde la question des électrolyseurs, dont il est important que la France dispose, mais aussi celle des piles à combustible plus performantes ou l'intégration des chaînes, hydrogène ou mobilité par exemple.