On a passé beaucoup de temps à parler du mythe du cycle fermé et des réacteurs à neutrons rapides. Je n'ai pas bien compris, à travers vos propos, s'il y avait une issue possible. Des projets ont été engagés, des recherches ont été menées et se poursuivent, mais l'avenir semble plutôt incertain. Vous dites qu'il ne serait pas rationnel de construire des réacteurs tant qu'on n'a pas avancé sur la question du cycle. Ma question porte sur un aspect connexe, les déchets.
On met en avant, s'agissant de la filière nucléaire, un taux assez élevé de recyclage de déchets. Or il s'agit en réalité d'un entreposage, dans l'attente d'une amélioration du cycle. En raison des échecs et des abandons successifs de projets de réacteurs à neutrons rapides, ainsi que du risque associé au MOX, plus dangereux qu'un combustible fabriqué à partir de matière non recyclée, va-t-on requalifier en déchet le combustible usé actuellement stocké dans l'attente d'une éventuelle réutilisation ?
Vu le taux de remplissage alarmant des piscines de La Hague, quels autres modes de stockage du combustible usé – qui est donc en réalité un déchet – le CEA préconise-t-il ?
Vous avez dit que nous n'avions pas besoin des Russes, y compris pour ce qui concerne la fourniture de la matière première, l'uranium. Dans ce cas, pouvez-vous nous expliquer pourquoi nous avons passé des contrats avec Rosatom ? Maîtrisons-nous vraiment l'ensemble du cycle ? Il me semble que si nous disposons de sites industriels en France, il nous manque des capacités de traitement.
Lors de son audition, M. Jancovici nous a expliqué que l'uranium fissile, l'uranium 235, ne représentait que 0,7 % de l'uranium naturel, et que l'on ne savait pas encore utiliser l'uranium 238. Lorsque vous dites que l'on dispose d'assez de ressources en uranium pour tenir plus d'un siècle, de quel type d'uranium parlez-vous ?
Vous avez été, monsieur Jacq, directeur général de l'Andra de 2000 à 2005 et vous, monsieur Stohr, directeur général adjoint et directeur des projets de cette même agence durant la même période. Sur quels fondements scientifiques peut-on garantir l'imperméabilité d'un site pour 100 000 ans ?
Des sites d'enfouissement profond, comme le WIPP – Waste Isolation Pilot Plant – aux États-Unis, co-exploité par Orano, ont provoqué une contamination humaine et environnementale en surface. Comment pouvez-vous garantir que de tels accidents ne se produiront pas ? Pourquoi la piste du stockage en subsurface des déchets nucléaires, prévue par la loi de 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, n'est-elle pas explorée ?
Vous avez dit que la SFEN avait salué votre travail sur le projet Astrid. M. Stohr étant par ailleurs le président de la SFEN, n'est-on pas un peu dans l'autocongratulation ? J'ai reçu nombre de documents de la part de cette société, comportant des affirmations pour le moins discutables. J'aimerais, monsieur Stohr, savoir comment la SFEN est financée, et quelle est sa gouvernance ; malgré mes recherches, je n'ai trouvé aucune information publique sur le sujet. Il est dit dans un de ces documents que la filière du nucléaire génère des emplois hautement qualifiés, qu'entre 2015 et 2018, 30 000 recrutements avaient été effectués et que 20 000 sont attendus pour la période 2020-2023, que « le parc nucléaire constitue une filière toujours modernisée » et que le grand carénage représente un investissement de 50 milliards d'euros entre 2015 et 2024. Dans ces conditions, peut-on sérieusement prétendre que les défaillances actuelles du parc nucléaire sont le fruit de décisions publiques qui auraient affaibli le nucléaire ? Qui dit vrai ? Combien de milliards supplémentaires faudrait-il investir pour que nos centrales nucléaires puissent fonctionner ? Il est dit aussi que la France maîtrise totalement la construction des centrales neuves et qu'elle doit en construire d'autres d'ici à 2040. Dans ces conditions, comment expliquer Flamanville et Olkiluoto ?
Il semble assez problématique, du point de vue de l'utilisation de l'argent public comme du point de vue technologique, de se projeter dans la construction de nouveaux réacteurs vu les incertitudes actuelles concernant la matière première, le recyclage des déchets, la technologie utilisée et le prolongement de la durée de vie des réacteurs en fonctionnement.
Pour conclure...