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Intervention de François Jacq

Réunion du mercredi 7 décembre 2022 à 17h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

François Jacq, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives :

À la différence de certains, je ne suis pas pétri de certitudes ; et quand il y a des incertitudes, j'en fais part.

Ma position sur les SMR n'a pas beaucoup varié depuis 2018 – et il me semble que les évolutions en cours ne me donnent pas forcément tort. Je pense que c'est une voie qui vaut la peine d'être explorée, pour les raisons que j'ai indiquées concernant le réseau et le couplage avec d'autres usages industriels et la production de chaleur. Cette voie dispose en outre de deux autres atouts qui ne sont pas négligeables. Le premier concerne la sûreté : en cas de difficulté sur un petit REP de 300 mégawatts de puissance, vous disposez d'un certain nombre de jours pour agir – c'est ce qu'on appelle un cœur « pardonnant » –, contrairement à un réacteur de grande puissance, qui risque de vous amener assez rapidement à une situation du type Fukushima. Deuxième atout : pour fabriquer un petit réacteur modulaire, on peut recourir à un procédé industriel en usine et faire les assemblages sur place, au lieu d'engager de gros chantiers. C'est plus simple.

D'un autre côté, a priori, plus le réacteur est gros, plus il produit, plus l'investissement est rentable et moins le coût de l'électricité est élevé.

Il faut donc faire preuve d'un peu de nuance sur la question. Aujourd'hui, clairement, on ne sait pas ce que ça va donner – le rapport de l'Académie nationale des sciences des États-Unis, mandatée par le Congrès, ne dit pas autre chose. Ce n'est pas une question de faisabilité technique : un petit REP du genre Nuward, on sait faire – c'est ce que l'on trouve dans les sous-marins et c'est d'ailleurs ainsi que la filière a commencé aux États-Unis. En revanche, on ne sait pas si l'on réussira à produire de l'électricité à un coût d'environ 80 euros par mégawattheure, ce qui est notre cible. De ce point de vue, rien n'est sûr.

Cela risque-t-il de poser des problèmes par rapport au réseau et à la dispersion de la production ? Oui, bien entendu. De petits réacteurs répartis sur le territoire n'ont de sens que s'ils ne sont pas construits sur des sites nucléaires existants. D'où de nouvelles implantations. D'où des difficultés potentielles. Prétendre le contraire reviendrait à nier l'évidence.

Personne n'aime avoir une installation industrielle à côté de chez soi. Il existe d'ailleurs aussi une certaine réticence concernant les lignes à haute tension. Le débat public sur le projet de ligne à très haute tension reliant le Cotentin au Maine avait mis au jour, à son époque, une certaine inquiétude. Imaginons que demain, nous nous engagions dans la voie de l'hydrogène, pour stocker de l'énergie intermittente, pour décarboner les transports lourds ou pour des usages industriels. Dans ce cas, le couplage d'un petit réacteur modulaire et d'une batterie d'électrolyseurs serait une solution plus efficace sur le plan industriel et plus intéressante du point de vue de la continuité de fonctionnement qu'un réseau centralisé de grande puissance. C'est pourquoi, un peu partout dans le monde, des acteurs privés misent sur les SMR. Par exemple, Dow Chemical, aux États-Unis, a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour la construction d'un petit réacteur nucléaire dans un de ses sites industriels.

Il y a donc des besoins et des usages potentiels, mais aussi des difficultés. Néanmoins, vu le prix du mégawattheure sur les marchés de l'électricité, on peut estimer que des industriels, dans une logique de décarbonation, accepteraient un prix plus élevé que la cible de 80 euros par mégawatt – mais ne spéculons pas. Bref, je ne considère pas les SMR comme la panacée mais je pense que cette solution mérite d'être considérée.

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