Le principe de ce texte est d'inclure un tiers dans le portage financier et technique d'une rénovation énergétique de bâtiment, dérogeant ainsi aux articles importants du code de la commande publique qui encadrent les investissements et dépenses publics. Le tiers réaliserait l'investissement et recevrait du commanditaire – une collectivité territoriale ou un établissement public – le remboursement de l'avance et des intérêts, soit lors de la livraison des travaux, soit selon un échéancier négocié préalablement dans le cadre du contrat et dont les termes et le taux seraient fonction des économies réalisées par le maître d'ouvrage. La collectivité ou l'établissement public aurait ainsi à charge de rembourser, sur ses ressources propres, la différence entre les économies constatées et le coût global du financement des travaux.
Il convient de rappeler que le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés passés par l'État, les établissements publics ou les collectivités territoriales, et réserve le préfinancement aux marchés de partenariat, plus strictement encadrés. Par cette proposition de loi, vous proposez donc que les contrats de performance énergétique puissent déroger à ces articles du code de la commande publique.
Nous sommes d'accord sur un point : les bâtiments publics doivent être exemplaires en matière de rénovation énergétique, puisqu'ils sont responsables de 76 % de la consommation énergétique des communes. Leur rénovation énergétique constitue donc un investissement important pour les acteurs publics. Pour le moment, les rénovations engagées sont très insuffisantes, qu'il s'agisse du parc immobilier public ou du parc privé, tant pour les bâtiments collectifs que pour les logements individuels.
Certes, les bâtiments publics représentent une part très importante du parc immobilier à rénover sur le territoire, et toutes les organisations ou associations œuvrant pour le développement durable recommandent de s'y atteler. Cependant, nous sommes en désaccord sur la manière d'y parvenir : ce que vous nous proposez suscite des interrogations et est loin de répondre à l'urgence de la rénovation thermique.
Qu'est-ce qui justifie que les collectivités s'exemptent des garde-fous prévus par le code de la commande publique et optent pour un mode de financement leur faisant courir de sérieux risques de surendettement ? La manne financière que représente le marché de la rénovation thermique pour les entreprises privées est très significative et il semble judicieux de soupeser tout mécanisme financier simplifiant le recours à celles-ci plutôt qu'à des acteurs publics et selon des mécanismes encadrant la dépense publique.
De plus, il paraît quelque peu hypocrite de la part de ce gouvernement – et de la minorité présidentielle qui soutient cette proposition de loi – de défendre une telle mesure, alors qu'il n'a pas intégré les amendements proposés par la NUPES et votés dans le budget sur la rénovation thermique des logements individuels, lesquels augmentaient de 12 milliards les fonds dédiés au dispositif MaPrimeRénov' Sérénité, avant que la représentation nationale se voie infliger l'utilisation anti-démocratique de l'article 49.3.
Je réitère donc ma question : êtes-vous animés par une réelle volonté de prendre le sujet à bras-le-corps alors même que vous avez balayé nos amendements au budget qui servaient cette cause, ou bien par les intérêts financiers que pourrait apporter au privé une apparente simplification payée en définitive par les contribuables ?
Globalement, le financement massif de la rénovation thermique des bâtiments publics devrait résulter d'une taxe sur les entreprises les plus polluantes. En outre, nous sommes face à un problème de structuration de la filière et à une pénurie de main-d'œuvre, faute d'offre et de formation. La question de la formation des personnels de nos administrations pour assurer la rénovation thermique devrait être posée avant de recourir, encore et toujours plus, à des entreprises privées. À tout le moins, les établissements publics et les collectivités territoriales, tout comme l'État, devraient pouvoir gérer leurs marchés publics et leurs financements sans avoir à passer par un mécanisme de tiers-financement privé, mais préférablement avec des appels d'offres classiques, voire des investissements propres – mais il est vrai que vous n'avez pas anticipé la baisse des ressources des collectivités locales, qui vous incite aujourd'hui à déréguler, à libéraliser sans libérer, dans la précipitation et dans l'urgence.
Pour ces multiples raisons, le tiers-financement dérogeant aux lois encadrant la commande publique est un dispositif dont la pertinence et l'utilité sont douteuses pour assurer la rénovation thermique – poste très coûteux quand il touche l'enveloppe des bâtiments et les menuiseries, car il représente un risque potentiel fort d'endettement des collectivités territoriales et des établissements publics et est de nature à favoriser des pratiques corruptives.
Nous nous abstiendrons donc, puisque nous avons proposé, proposons et proposerons encore des mécanismes plus efficaces et plus justes que celui que vous défendez aujourd'hui et qui ne nous semble pas vertueux.