Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du jeudi 12 janvier 2023 à 21h30
Modification du calcul de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

La présente proposition de loi prend pour objet un élément fiscal que les collectivités utilisent quotidiennement depuis 1926 et dont les effets sont fortement ressentis par de nombreux citoyens : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom).

Dans mon agglomération de La Porte du Hainaut, territoire populaire situé dans le Denaisis, comme dans beaucoup d'autres agglomérations, les habitants ne payaient pas de Teom depuis la création de la communauté d'agglomération il y a vingt ans. Notre collègue Fabien Roussel, qui siège comme moi au conseil communautaire de cette agglomération, a d'ailleurs fait part du « caractère insupportable » de cette taxe pour les habitants du Nord. Je cite ses propos, qui illustrent bien ce que nous pensons : « Depuis le début, j'ai déclaré mon opposition à cette taxe et à son taux pour les habitants et les entreprises de La Porte du Hainaut ! Par deux fois, j'ai voté contre car c'est un coup dur porté à notre pouvoir d'achat. De plus, cette Teom est particulièrement injuste, car elle ne tient pas compte de la composition du foyer. Il y avait d'autres choix à faire pour tenir compte des déchets de chaque famille. Enfin, avec d'autres, nous demandons de revenir sur cette décision et de prendre le temps d'en discuter avec les habitants, en leur adressant des lettres explicatives pour que chacun comprenne les enjeux liés aux ordures ménagères et aux budgets des communes. »

Pourtant, dans cette agglomération comme dans d'autres, la taxe a été votée, avec un taux de 15,62 %, soit l'un des plus élevés parmi ceux pratiqués, et bien que la santé financière de l'agglomération soit tout à fait normale. Cela représente de 150 à 300 euros par an, selon la valeur locative des habitations. Je pense aussi à l'agglomération d'Hénin-Carvin, qui a vu cette taxe multipliée par cinq, ce qui signifie qu'on prend une fois de plus l'argent dans les poches des modestes habitants du Pas-de-Calais, réduisant de fait leur pouvoir d'achat.

La taxe sera payable par toute la population : les locataires et les propriétaires – en particulier les petits propriétaires. Bien sûr, un service a un coût et il faut s'en acquitter, à condition toutefois que celui-ci soit acceptable et juste. Or de nombreuses familles sont déjà confrontées à des difficultés de pouvoir d'achat. Il est donc nécessaire de se pencher sur le mode de calcul de cette taxe, qui se révèle particulièrement injuste.

Par ailleurs, la suppression de la taxe d'habitation a amoindri les marges de manœuvre fiscales des collectivités – tous les maires s'en plaignent, vous avez dû l'entendre en cette période de vœux –, réduisant parfois du même coup leur autonomie financière. Leurs marges de manœuvre budgétaires sont d'autant plus contraintes que le Gouvernement a refusé d'indexer les dotations de l'État sur l'inflation, laquelle entraîne d'autres conséquences sur les dépenses des collectivités, telles que le prix de l'énergie ou des marchés publics. Les collectivités sont donc tentées d'augmenter la fiscalité locale sans que l'État compense à hauteur de l'inflation. Or la majorité, non contente de plonger les Français dans la difficulté, les abandonne au quotidien.

C'est dans ce contexte inquiétant que nous proposons de réformer le mode de calcul de la Teom. Lors de nos auditions, nous avons rencontré plusieurs associations de collectivités, notamment Amorce, qui connaît bien ces sujets. Il ressort d'une de ses enquêtes qu'en 2022, 77 % des collectivités ont augmenté la Teom de plus de 5 % et plus de la moitié de plus de 10 %. Ce n'est pas neutre, d'autant que cette augmentation se double de celle de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, qui fait partie des recettes de l'État et s'ajoutera à l'augmentation mécanique des bases foncières en 2023, avec une augmentation de la valeur locative cadastrale de plus de 7 % également. Vous imaginez le résultat.

Ces augmentations touchent tout le monde, car la Teom est une sorte d'impôt additionnel à la taxe foncière. Toutes deux ont la même assiette et sont payées par les propriétaires. Les valeurs locatives étant indexées sur l'inflation, cette dernière aura une incidence considérable à la fois sur la taxe foncière et sur la Teom. Il y aura donc une double peine pour les propriétaires : une augmentation des taux en 2022 et une augmentation des bases en 2023. Vous direz à nos compatriotes qu'il faut se serrer la ceinture, mais il faudra aussi leur expliquer pour quels résultats.

L'actuelle Teom présente plusieurs inconvénients. D'abord, comme de nombreuses autres taxes, elle est mal connue et mal comprise. On pense, parfois naïvement et de bonne foi, qu'elle dépend du volume d'ordures ménagères ramassées, alors qu'elle est liée à la taxe foncière, c'est-à-dire à la valeur locative de la parcelle. Ensuite, sa base fiscale est injuste : n'étant pas corrélée à la quantité de déchets produits, elle pénalise souvent les personnes seules – qui produisent moins de déchets. Certes, les collectivités peuvent opter pour une taxe incluant une part incitative. Toutefois, cette disposition n'a pas rencontré le succès attendu. Cette base fiscale est aussi injuste car obsolète en l'absence de révision des valeurs locatives. Enfin, contrairement à la taxe foncière, elle n'offre pas de possibilité d'abattement – il s'agit d'ailleurs de l'un des rares impôts dans ce cas. En effet, d'autres taxes prennent en considération la situation personnelle du contribuable, selon qu'il est marié, veuf, chômeur, ou encore selon ses revenus. Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons ouvrir une réflexion à travers ce texte. Je note d'ailleurs avec satisfaction que l'annonce du lancement de cette réflexion a été saluée par le président communiste de mon agglomération.

L'objectif n'est pas de renforcer le caractère incitatif de la Teom ou son caractère environnemental. Il s'agit de lui conférer un caractère plus social, en apportant une bouffée d'oxygène à nos compatriotes, alors que 2023 sera une année compliquée pour les contribuables et les petits propriétaires.

La proposition de loi vise à introduire dans la Teom un élément variable suivant le nombre de personnes composant le foyer. Cette disposition permettrait de mieux prendre en considération la situation des personnes seules, qui produisent moins de déchets, et de corriger l'inconvénient majeur de cette taxe en la liant davantage à la quantité de déchets produite.

Une autre disposition consiste à ouvrir des possibilités d'abattement pour les plus de 70 ans et les personnes en situation de handicap – demandes qui remontent du terrain. Cette mesure sociale, facile à appliquer par les services fiscaux, ainsi qu'ils nous l'ont confirmé, représenterait une protection du pouvoir d'achat, sans entraîner de perte de recettes pour les collectivités.

La proposition de loi prévoit aussi la remise par le Gouvernement d'un rapport sur le respect de l'autonomie financière des collectivités locales. Il nous permettrait de recueillir des informations qui ont disparu avec la disparition de la taxe d'habitation.

En clair, il s'agit d'une mesure ciblée sur le pouvoir d'achat, d'une mesure de redistribution. Nous souhaitons la rendre plus incitative et faire émerger une réflexion parlementaire sur la fiscalité locale.

Voter contre cette proposition de loi serait renoncer à l'allègement du budget des foyers, méconnaître la condition des plus vulnérables et, en définitive, désavouer toute forme de révision de la fiscalité locale. Ce n'est pas une réforme idéologique ; elle ouvre une réflexion et je déplore à cet égard les amendements de suppression qui ne font que bloquer toute possibilité de travailler ensemble sur ce texte. Je regrette que leur auteurs ne soient pas allés plus loin.

Le chantier de la réforme de la fiscalité locale est devant nous. Nous devrons de toute façon nous y atteler. Notre tâche consiste à faciliter le consentement à l'impôt, en particulier grâce à sa juste répartition. Nous pensons à ces Français appauvris, qui ont du mal à payer leurs taxes, notamment lorsqu'elles sont multipliées par cinq. Nous sommes mus par une même obsession : celle de rendre leur argent aux Français, de leur redonner du pouvoir d'achat. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'éviter les combats stériles et d'ouvrir cette réflexion en votant la révision du mode de calcul de la Teom.

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