J'ai un petit regret à l'issue de l'audition publique et de nos débats de ce jour : il apparaît que les travaux de rénovation thermique ne sont pas soumis à un processus d'évaluation rigoureux. Comme l'a dit notre collègue Christine Arrighi, alors qu'un nombre important de Français connaissent des problèmes de pouvoir d'achat et de compatibilité entre leurs ressources et le coût du chauffage – ainsi que le coût de la protection contre les chaleurs estivales inhabituelles dont nous savons qu'elles se multiplieront dans les années à venir –, nous devrions avoir des argument plus forts pour y remédier.
Je trouve que nos arguments sont excellents pour un étudiant préparant l'ENA et devant rendre une note objective sur les politiques gouvernementales mais nous sommes des femmes et des hommes politiques. Nous sommes au contact des Français qui ont une vie difficile, qui voient s'envoler les prix du carburant, du gaz et de l'électricité, qu'ils soient particuliers ou entrepreneurs, même si nous nous occupons essentiellement des particuliers et des collectivités locales.
Les budgets mobilisés pour les opérations de rénovation énergétique sont des sommes énormes qui posent des problèmes insolubles pour l'équilibre des budgets, aussi bien pour les villes que pour les particuliers, et la dimension économique n'apparaît pas assez dans ce travail. Elle apparaît indirectement avec la recommandation qui évoque un suivi des différentes étapes d'une rénovation étalée dans le temps. Dans ce genre d'opération, il est évident que l'on commence par faire ce qui est le plus visible, le plus efficace ou le moins cher. À chaque étape, on étudie le rapport coût-bénéfice de la décision. Pour un pavillon, isoler des combles est sans doute le moins cher et le plus efficace. Éviter les ponts thermiques, reprendre les ouvertures, améliorer les isolations verticales est déjà plus compliqué ; il faut le mettre en proportion de l'argent dépensé.
Outre l'étalement dans le temps, nous aurions pu approfondir la dimension économique de la rénovation lorsque nous avons évoqué l'intervention des banques. Nous connaissons les banques. Elles ne font jamais que prêter l'argent qu'on leur confie et l'on peut comprendre qu'elles n'aient pas envie de le jeter par les fenêtres. Il serait intéressant pour elles de savoir qu'en prêtant à leurs clients pour une rénovation énergétique, elles leur font économiser de l'argent, d'où un retour sur investissement. Ce retour peut être long, dix ou quinze ans souvent, mais il peut aussi être beaucoup plus court. Je pense donc que cette approche est intéressante.
C'est la raison pour laquelle, intuitivement, je suis très favorable aux actions collectives de rénovation des logements particuliers conduites sur des espaces définis par les collectivités locales. Pourquoi ? Parce que se crée alors une dynamique de groupe avec des propriétaires, des locataires, des propriétaires-bailleurs, des organismes publics qui se disent : « Oui, on va faire cette opération. Voici ce que cela coûtera, mais voilà ce que cela rapportera finalement. » L'échange entre acheteur et vendeur est plus pratique, plus réaliste que le face-à-face entre un marchand de chaudières à condensation ou de pompes à chaleur et un particulier. Le marchand de pompes à chaleur ou de chaudières à condensation expliquera toujours des choses formidables au couple de retraités qui panique devant sa facture énergétique tandis que, dans une opération collective, le rapport de forces s'inverse. Des gens qui connaissent le sujet sont présents – des élus locaux, des gens qui ont déjà fait des travaux, un bailleur social qui s'y connaît un peu, etc. – et ils peuvent dire si le vendeur de solutions exagère ou s'il fait une offre raisonnable.
Je pense donc que l'analyse économique de la rénovation énergétique et l'action collective sont utiles. On ne fait pas une rénovation énergétique tous les mois. Quand on achète sa baguette tous les matins, on est capable de comparer les prix. De même, pour les voitures ou toutes autres sortes d'objets ou de services, le client maîtrise à peu près le prix du service ou de l'objet qu'il achète. Par contre, dans la rénovation énergétique qu'on fait une fois tous les 20 ans et peut-être une fois dans sa vie, on n'a pas d'expérience. Les opérations collectives permettent d'entraîner tout un quartier et de donner à ses habitants la chance d'être soutenus dans une démarche qui reste difficile.
Je suggère donc de mieux parler de l'information économique, de mieux appréhender le rapport coût-rendement et de tirer le maximum de profit d'actions collectives où l'initiative de chacun est soutenue par l'engagement de tous.