- On peut dire en effet que la coopération en matière spatiale est meilleure que sur le plan militaire. Cela se voit notamment à travers des exemples très concrets tels les grands projets Copernicus et Galileo, qui sont le fruit d'une véritable collaboration mutualisant les moyens, les marchés et les résultats qui présentent un intérêt commun. Les problématiques d'observation de la Terre sont de plus en plus prégnantes, notamment sur des sujets comme l'observation et la compréhension des phénomènes climatiques ainsi que l'adaptation au changement climatique.
J'ouvre une petite parenthèse : on parle des évolutions climatiques, il faut donc pouvoir objectiver les phénomènes. Il ne s'agit pas de remettre en cause leur existence, c'est une évidence, mais de bien les objectiver. Je me réjouis de voir que nous aurons maintenant des applications satellitaires permettant de savoir quelles sont les productions réelles de CO2 ; c'est quand même une molécule dont la présence n'est pas si facile à détecter. On se gargarise souvent de calculs et, comme on le voit dans les débats politiques, on s'envoie des chiffres à la figure alors que la plupart des gens ne savent même pas ce que représente une tonne de CO2. C'est le chimiste qui vous parle : nous avons besoin de ces observations. Si de plus on veut comparer ce qui concerne le CO2 avec d'autres types de molécules, par exemple avec le méthane, émis par des phénomènes différents de ceux du CO2, on a encore plus besoin de ces observations.
Je pense que nous avons la chance d'avoir des données satellitaires qui peuvent être utiles – et qui le seront de plus en plus – au milieu agricole. Les systèmes assuranciels mettant en œuvre des mécanismes d'assurance paramétrique profitent de toutes les mesures et toutes les observations qui permettent d'anticiper ou de comprendre ce qu'il se produit d'un point de vue agricole – je le vois en consultant régulièrement les travaux du CNES. Ce n'est peut-être pas encore suffisamment utilisé mais ce le sera sûrement de plus en plus, au niveau européen et quel que soit le pays.
Il me semble donc que des causes telles que l'adaptation au changement climatique doivent encore plus favoriser ces collaborations. C'est déjà ce que l'on observe et le grand public peut être plus sensible aux sujets climatiques qu'aux questions militaires. En matière de partage d'intérêts communs et d'efficacité des coopérations, je pense que le domaine spatial est un peu plus avancé même si, évidemment, il faut sûrement faire beaucoup plus.
On s'aperçoit que beaucoup de sociétés actives sur les sujets liés au climat se trouvent parmi les start-up du New Space. Il est d'ailleurs intéressant de voir qu'un grand nombre de ces investissements se font autour de la question climatique et du partage de données. Cela va vraiment dans le bon sens.
Je fais une remarque en passant : pour comparer correctement les budgets d'investissement et de recherche, il faudrait faire des calculs approfondis qui tiennent compte du fonctionnement des différents pays. Je m'explique. Une partie de la recherche peut être financée par l'État ; par exemple, en France, un enseignant-chercheur peut travailler dans un laboratoire de recherche du CNRS. Comment son salaire – ou la moitié de son salaire puisqu'il est enseignant-chercheur – est-il comptabilisé dans l'effort d'investissement national dans le spatial ? Je suis toujours très prudent quand on analyse les budgets car il faut voir quel est le périmètre qui définit ces budgets. Il ne s'agit évidemment pas de dire que nous en faisons suffisamment, les conclusions sont très claires sur ce sujet, mais je pense que l'écart effectif est peut-être moindre que l'écart apparent.
J'ai voulu, dans ces recommandations, qu'une volonté politique soit clairement affichée dans tous ces domaines afin d'attirer des cerveaux pour travailler sur ces questions chez nous ; nous en avons besoin, et nous l'avons vu aussi sur les problématiques de défense.
Je viens de parler des problématiques climatiques mais n'oublions pas les problématiques d'aménagement du territoire, notamment pour que la connectivité soit la meilleure possible sur l'ensemble du territoire. Un problème d'équité se pose entre les fonds de certaines vallées et les centres-villes de certaines métropoles : il faut assurer la même qualité d'accès à Internet. Or, aujourd'hui, mettre de la fibre optique partout serait extrêmement coûteux. Un élu local peut y trouver l'occasion de montrer à ses concitoyens qu'il s'occupe d'eux en faisant des trous pour mettre la fibre optique, mais avoir une connectivité par des constellations de mini satellites coûte quatre à cinq fois moins cher.
En revanche, les constellations augmentent le nombre de satellites présents dans l'espace, avec, à terme, le sujet des débris et de l'état environnemental de l'espace. Pour moi, ce sujet devra être de plus en plus étudié et je pense d'ailleurs que l'Office devrait le suivre. Nous devrons continuer à être très vigilants, et il faudra peut-être faire évoluer des réglementations, voire regarder d'une manière générale la réglementation internationale. À un moment donné, il faudra savoir qui est responsable de quoi parce que l'encombrement de l'espace va devenir préoccupant et que la disponibilité de l'espace est presque un bien commun qu'il faudra préserver.