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Intervention de Bernard Fontana

Réunion du jeudi 8 décembre 2022 à 9h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Bernard Fontana, président de Framatome :

Je l'ai dit dans mon propos liminaire, la sûreté et la sécurité sont la priorité numéro un de Framatome, et ma priorité personnelle.

J'ai demandé que l'on place à l'entrée de chacun de nos sites une grande pierre où il est inscrit : Sûreté, Sécurité, Intégrité, notre « license to lead ». Chaque salarié la voit lorsqu'il rejoint son lieu de travail. Quand Framatome fait une acquisition, la première chose que nous faisons est d'installer cette pierre, et la première chose que je fais est de m'assurer de son état.

Au-delà, il m'a paru important que nous soyons tous formés à la culture de sûreté. Tous les nouveaux arrivants ont droit à une formation en la matière. Nous avons aussi décidé d'y former ou former de nouveau tous les employés de Framatome, par tranche de 25 % par an – à savoir 25 % l'année dernière, 50 % cette année, objectif que nous avons déjà dépassé, 75 % l'année prochaine et ainsi de suite.

Nous avons érigé en valeurs la sûreté et la sécurité, ainsi que le futur, la performance, l'intégrité et la passion. Nous disons les choses. L'acte refondateur de Framatome, en janvier 2016, quand s'est réunie pour la première fois l'équipe qui allait devenir le comité exécutif, a été la définition des valeurs.

Nous avons considéré l'avis de l'ASN comme un grand progrès, sachant que l'usine du Creusot avait cessé de produire pour le nucléaire français pendant presque trois ans et que nous y avons beaucoup investi, pour passer de 200 à 400 salariés et développer la structure. Il faut effectivement entretenir la culture de sûreté, et on peut toujours progresser. Les progrès accomplis doivent clairement être ancrés dans la durée.

C'est pourquoi nous avons créé au Creusot un centre d'excellence dédié à la sûreté, à la sécurité et aux compétences, notamment en matière de forge et de simulation. Nous voulons que ce campus devienne une référence mondiale, que ceux qui souhaitent travailler dans la forge pour le nucléaire viennent s'y former. Je vous invite à venir le visiter.

Nos salariés nous disent que, lorsque l'on parle du nucléaire, c'est souvent pour le critiquer ; ils aimeraient que d'autres gens prennent la parole. Nous avons effectivement versé une contribution à l'association Les Voix du nucléaire, dont je ne connais pas le montant exact. En revanche, les membres de l'association sont tout à fait libres. Ils ont effectivement établi un scénario ; j'ignore le nombre de réacteurs qui y figure. Ce sont souvent – mais pas uniquement – des anciens salariés de Framatome ou d'Areva. Ils éprouvent le besoin de dire qu'ils aiment le nucléaire, et d'avoir un accompagnement à cette fin. C'est plus facile désormais ; ce ne l'était pas tant que cela il y a quelques années. C'est pour cette raison que nous les avons soutenus.

Nous avions déjà avec Rosatom un accord-cadre – ce n'est pas un contrat – qui définissait nos relations. Il a été renouvelé le 2 décembre 2021 ; c'est le document que vous avez évoqué. Nos relations avec Rosatom sont de plusieurs natures.

Premièrement, les pays qui achètent des réacteurs exportés par la Russie demandent souvent que le système de contrôle-commande soit occidental. Ces systèmes étaient fournis auparavant par Siemens, désormais par Framatome. Nous assurons donc la maintenance du contrôle-commande, non pas pour les Russes, mais pour les clients dans les pays concernés. Quant aux réacteurs russes en construction, certains chantiers ont été arrêtés, comme à Hanhikivi en Finlande, tandis que d'autres continuent. Nos activités à cet égard ne sont pas touchées par les sanctions, mais l'envoi de documents étant désormais réglementé, elles sont pratiquement au point mort.

Deuxièmement, il y a la question des combustibles. Les Russes essaient de faire des copies des nôtres. Il est normal qu'ils tentent ainsi de placer leurs propres combustibles ; c'est le jeu de la concurrence. De son côté, Framatome développe des combustibles pour proposer une solution alternative aux nombreuses centrales nucléaires russes qui existent en Europe centrale. Les Russes avaient conscience que cette transition était nécessaire, même si elle n'était pas simple. Nous avions donc convenu à l'époque de nous associer avec Rosatom pour fabriquer, sur des sites de Framatome, des copies de combustibles russes. Il y avait un aspect pratique : quand vous fabriquez un combustible nouveau, il faut obtenir une licence, ce qui peut prendre dix ans ; quand vous fabriquez une copie, elle est sous licence, il faut simplement la qualifier. Telle est la situation que nous avons trouvée.

Désormais, les pays d'Europe centrale qui dépendent de la Russie pour les combustibles ont un choix : soit faire appel aux Américains, mais il faut alors obtenir une licence ; soit avoir accès aux copies que nous fabriquons sur nos sites, à partir de composants que nous stockons. Nous proposons cette option alternative en deux temps : d'abord, des copies pour ceux qui ont besoin d'une solution immédiate ; ensuite, la perspective d'une solution totalement souveraine. Pour cela, nous avions envisagé un site en Allemagne, celui que vous avez évoqué. Si cela se fait à terme – l'histoire le dira –, je pense que cela se fera plutôt en France, car c'est plus facile. En tout cas, nous continuons nos travaux pour développer des solutions totalement souveraines, notamment avec des alliages qui viennent de chez nous.

Vous avez évoqué l'uranium. En réalité, que faisons-nous, à Framatome, quand nous fabriquons des combustibles ? Nous achetons de la zircone, que l'on trouve par exemple en Australie ou en Afrique du Sud, et nous la traitons chimiquement pour produire des éponges de zirconium. Nous appliquons ensuite à ces éponges divers procédés de fonderie, à Ugine, puis de laminage – laminage à froid ou à plat à Rugles ; laminage à pas de pèlerin à Paimbœuf ou à Montreuil-Juigné, près d'Angers – pour obtenir des tubes. Avec l'uranium que nous récupérons, nous fabriquons des pastilles, que nous plaçons dans ces tubes, eux-mêmes assemblés en grilles. Enfin, nous faisons des calculs pour montrer à notre client que cela va fonctionner dans son réacteur nucléaire.

S'agissant de l'uranium, nous sommes agnostiques : en général, ce n'est pas le nôtre, il appartient à nos clients électriciens. Bien évidemment, nous travaillons en majorité sur celui d'Orano. Certains de nos clients ont eu des contrats de retraitement avec les Russes. Ils sont en train de se repositionner. Pour notre part, nous honorons nos contrats, mais ce n'est pas nous qui achetons cet uranium.

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