Je n'étais pas là à l'époque où certaines de ces décisions ont été prises. Je ne peux pas commenter des choses que je ne connais pas.
Quand j'étais cimentier et que je présentais à mon conseil d'administration un gros investissement, j'avais intérêt à savoir ce que je voulais construire : c'était très précis.
Le design n'était pas tout à fait achevé. Les questions d'organisation ont été évoquées dans le rapport Folz ; je n'y reviendrai pas. La réglementation a évolué – les règles ESPN sont entrées en vigueur. Areva et EDF ont décidé de les appliquer. Même si ces règles représentaient un progrès, leurs conséquences n'ont pas été suffisamment évaluées à l'époque. Il a fallu en faire l'apprentissage. J'en veux pour preuve les fameuses soudures qu'il a fallu refaire, et la question de l'exclusion de rupture. Il a été décidé de recourir à des tuyaux utilisés dans l'industrie et qui semblaient convenir.
Les experts avaient averti qu'il fallait être sûr de la réalisation industrielle, laquelle supposait un certain type de soudure, des tuyaux fabriqués d'une certaine manière, des matériaux d'apport, certains procédés de soudage, des soudeurs formés à les exécuter, des procédés de contrôle et des contrôleurs. Dans ces conditions, changer un seul paramètre, c'était prendre un grand risque. La chaîne de soudage n'était pas en place. Quand vous improvisez au moment même de la construction, le miracle serait que cela fonctionne… Cela me ramène à la question de la base industrielle. Régler une chaîne de soudage, cela prend trois ans. Ce sont les règles de la vie industrielle ; vous ne pouvez pas inventer quelque chose comme cela. Il faut être prêt et avoir une vue complète de la filière, sur l'ingénierie et le tissu industriel. C'est ce qui a fait défaut à ce moment-là. Il faut savoir si l'on est capable de réaliser une opération et d'anticiper certaines mesures – ce qui est toujours difficile car on ne dispose pas forcément du financement pour le projet.
En ce qui concerne ces soudures compliquées, nous avons décidé, chez Framatome, même si nous ne les faisions peut-être pas nous-mêmes sur le circuit secondaire, d'avoir une autre option à notre disposition. C'est la raison pour laquelle nous avons acheté l'une des divisions d'une société de soudage opérant notamment sur les sous-marins, qui comptait 400 personnes, dont 100 soudeurs-tuyauteurs. Nous voulions mettre au point un procédé nous permettant de réaliser les soudures en 2028 – en fait, nous sommes prêts à le faire dès cette année. Du reste, quand on a de bons soudeurs, on peut les utiliser n'importe où.