Nous estimons aujourd'hui le potentiel de décarbonation du gaz à 20 % environ à l'horizon 2030. Vous avez donc raison de dire que cela ne se fera pas du jour au lendemain. Cependant, une proportion de 20 % commence à compter. Ensuite, selon que ce que nous parviendrons à faire techniquement et économiquement avec l'hydrogène et les molécules qui en sont tirées, nous pourrons accélérer le mouvement. En tout cas, nous n'avons pas le choix et il n'est pas réaliste de penser que nous pourrions nous passer de gaz. On ne peut pas tout électrifier – nous n'aurons ni les réseaux ni les usages. Il n'est pas possible d'avoir un monde sans gaz, en interrompant toutes les infrastructures gazières pour électrifier tous les usages. Certaines industries ne s'y prêteront pas et il faudrait, en outre, doubler, voire tripler les infrastructures électriques. Il faudra donc garder dans notre mix un composant de molécules gazier, mais il faudra aussi s'employer avec beaucoup de volontarisme à le décarboner.
Le biométhane semble présenter à cet égard une dynamique positive. Il faut évidemment rester attentifs et responsables, en appliquant une planification équilibrée sans consacrer toute la production agricole à nourrir les méthaniseurs. Aujourd'hui, un millier de projets sont identifiés et prêts à être développés, à divers niveaux de maturité. Il s'agit là d'une économie locale, circulaire, renouvelable, durable, qui contribue à notre souveraineté.
Quant à savoir comment conserver une interconnexion, il me semble primordial de s'assurer que les règles du marché restent fixées au niveau européen. Un excès de distorsion entre les règles de marché de différents pays introduirait une friction entre ces derniers, ce qui rendrait les échanges beaucoup plus difficiles. Il importe donc d'appréhender le marché et d'en définir les règles. Si ces règles doivent évoluer, cela doit se faire au niveau européen ; si elles doivent évoluer au niveau national, elles doivent rester compatibles entre elles et demeurer de même nature, sans distorsion, car il y aurait là un vrai risque. Quel dommage, quand nous disposons de réseaux physiquement interconnectés, de casser ce marché, qui est une vraie force pour l'Europe ! J'aurais sans doute dû insister davantage sur le risque de manque de compétitivité en Europe. Si nous cassons ce marché européen, chacun devient plus petit et cela ne favorise pas la compétitivité. C'est là un risque important.