Intervention de Catherine MacGregor

Réunion du mardi 6 décembre 2022 à 16h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Catherine MacGregor, directrice générale du groupe Engie :

La première raison du retard accumulé en matière d'ENR tient à la longueur des délais d'obtention des permis et de développement des projets. S'agissant de l'éolien en mer, certains projets mis en œuvre par Engie ou d'autres au début des années 2010 sont toujours en cours de développement, faute d'avoir purgé tous les recours qui leur ont été opposés.

Une autre raison réside dans des mouvements de rejet presque passionnels de certaines ENR, notamment de l'éolien. Il y a toujours, en France, un fort mouvement anti-éolien, ce que je déplore. J'ai rencontré des maires qui ont eu le courage de demander l'implantation de projets éoliens terrestres dans leur commune. J'ai fêté, en présence de trois d'entre eux, les dix ans de l'implantation d'un parc éolien ; ils parlaient de leurs éoliennes, de leur énergie produite localement et de la réduction induite de taxe foncière. Ils disaient que l'implantation de ce parc et les mesures d'accompagnement associées bénéficiaient à tous leurs administrés. J'aime citer cet exemple d'appropriation véritable. En participant à cette célébration, j'ai eu le sentiment que les bons projets sont possibles, dès lors qu'ils bénéficient de ce niveau d'appropriation. Au demeurant, il est faux d'affirmer, comme je l'ai souvent entendu dire, qu'un maire soutenant un projet éolien n'est pas réélu. Les trois maires précités l'ont été sans difficulté. Cette harmonie m'incite à dire qu'il est possible de mener à bien de très beaux projets éoliens en France.

Certes, il y a eu des abus. L'exemplarité des développeurs est indispensable. Nous l'appelons d'autant plus de nos vœux que nous n'avons pas intérêt à la dégradation de la filière. Si des mauvaises pratiques sont constatées, il faut absolument y mettre un terme. Il faut utiliser la situation d'aujourd'hui pour faire preuve de volontarisme et d'exemplarité dans le développement des projets d'ENR, en ayant bien conscience que ces dernières sont produites localement et augmentent collectivement la souveraineté énergétique du pays.

Quant à la question des règles du marché, elle comporte trois volets.

D'abord, la sécurité de nos approvisionnements est mise à l'épreuve. Le système électrique est sous tension, notamment en France. Nous avons besoin de toutes les capacités de production disponibles. Les centrales à gaz produisent beaucoup, d'autant qu'il commence à faire froid. De ce point de vue, le marché fonctionne. Nous faisons appel à toutes les unités de production disponibles.

Ensuite, le marché européen présente actuellement une forte volatilité. Des discussions ont lieu, à l'échelon européen, pour prendre des mesures à court terme visant à la modérer, et à éviter que les prix ne s'envolent. Les pays européens ont du mal à se mettre d'accord, mais parviennent néanmoins à prendre des mesures très techniques ayant vocation à réduire la volatilité du marché. Leur mise en œuvre est longue. Il est difficile de parvenir à un consensus.

Enfin, la réflexion sur le fonctionnement du marché européen occupera nombre d'entre nous en 2023. À l'heure actuelle, il fonctionne comme un vrai marché de l'énergie, selon un système reposant sur le coût marginal de fonctionnement. Dans la mesure où la dernière unité de production appelée est le plus souvent une centrale à gaz, le prix de l'électricité dépend de celui du gaz. Ce système standard a bien fonctionné jusqu'à présent. Il atteint aujourd'hui ses limites, notamment dans le cadre du mix énergétique que j'ai décrit dans mon propos liminaire, qui ne pourra pas faire l'économie d'un marché de gros fonctionnel, tout en encourageant le développement des actifs flexibles, en développant une unité de batterie ou en envisageant un mécanisme de rémunération de la capacité distinct du mécanisme en vigueur, permettant à la batterie d'être rémunérée pour le simple fait d'exister.

Par ailleurs, il faut offrir un cadre aux investisseurs, afin qu'ils continuent à développer des projets d'ENR, notamment dans le cadre de contrats à prix préalablement agréés (PPA), qui permettent aux clients désireux de décarboner l'énergie qu'ils utilisent de le faire, et de contrats sur la différence (CFD).

Il faut donc conserver un marché européen de gros et le compléter par des mesures permettant de développer les actifs flexibles et d'augmenter la proportion des ENR dans le mix énergétique.

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