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Intervention de Brigitte Klinkert

Réunion du jeudi 8 décembre 2022 à 9h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Klinkert, rapporteure :

Depuis qu'il est revenu au pouvoir en 2010, Viktor Orbán se pose en défenseur des valeurs conservatrices et notamment de la famille traditionnelle. Ainsi, la représentation des femmes et leur place dans la société civile sont très fortement marquées par des stéréotypes de genre. Dans un rapport du 21 mai 2019, le Conseil de l'Europe avait regretté « une régression de l'égalité de genre en Hongrie », avec une faible représentation politique des femmes. La commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe avait aussi noté que dans la politique gouvernementale, les problématiques concernant les femmes sont étroitement associées aux affaires familiales et que les autorités ont cessé d'appliquer une stratégie spécifique en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. J'ai sous la main un livre pour enfant intitulé « Juste une famille », interdit de vente en Hongrie car il fait référence à des familles LGBTIQ.

Les femmes demeurent très peu représentées en politique. Le Parlement compte seulement 28 femmes, soit 14 % des sièges. Une femme a récemment été élue présidente de la République, Mme Katalin Novak. Il s'agit toutefois d'une pièce maîtresse du dispositif de Viktor Orbán, qui défend une vision traditionnelle de la famille.

Plusieurs législations qui portent atteinte aux droits des femmes ont été adoptées. Le 5 mai 2020, le Parlement hongrois a adopté une résolution s'opposant à la ratification de la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. Au sein des lois visant les citoyens LGBTIQ, le gouvernement a imposé en 2021 aux éditeurs une obligation d'information sur toute divergence par rapport aux rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes. Cela a donné lieu à un avis motivé de la Commission européenne, qui a relevé que la Hongrie opérait une discrimination injustifiée fondée sur l'orientation sexuelle. Le 15 septembre dernier le gouvernement a adopté un décret imposant aux femmes souhaitant effectuer une interruption volontaire de grossesse d'être confrontées « de manière clairement identifiable aux fonctions vitales » du fœtus ce qui les oblige à écouter les battements du cœur du fœtus et ce, alors même que l'avortement est légal en Hongrie depuis le milieu des années 1950. Une révision constitutionnelle est entrée en vigueur en 2012, inscrivant dans la Loi fondamentale que « depuis sa conception, la vie mérite d'être protégée comme un droit humain fondamental ».

Je partage le propos de Mme Tanguy. Depuis le retour de Viktor Orbán en 2010, tous les segments de la vie publique hongroise ont été touchés par une même stratégie de contrôle et de restriction des libertés. Or chaque pays membre de l'Union doit se conformer aux principes fondamentaux. La Hongrie ne peut pas faire exception.

En réponse à l'intervention de M. François, les États ayant rejoint l'Union européenne ont accepté de mettre en commun leurs pouvoirs de décision dans certains domaines. Ils l'ont fait souverainement, en décidant d'adopter et de respecter des traités. Dès lors, c'est le droit européen qui prime. Les pays qui ont adhéré à l'Union européenne doivent respecter les règles de l'Union européenne lorsqu'elles existent. L'Union ne dispose d'aucun pouvoir qui ne soit pas défini par les traités. Les valeurs européennes ne sont pas ouvertes à transaction ou à négociation. S'agissant des choix démocratiques et des élections, 80 % des médias sont sous influence du Fidesz. Il y a une désinformation importante dans ce pays. Par conséquent, on peut s'interroger sur le caractère libre et démocratique de ces élections. L'OSCE a évoqué une obstruction électorale à l'occasion des élections législatives de 2022. La mission de l'OSCE a observé une omniprésence des messages du gouvernement et de la coalition au pouvoir, qui a brouillé la distinction entre l'État et le parti au pouvoir, une très grande partialité des médias et l'opacité du financement des campagnes électorales.

Je rajouterai plusieurs points d'inquiétude pour conclure mon propos. La réforme de la Constitution de 2011 a retiré à la Cour constitutionnelle une grande partie de ses prérogatives. Elle ne peut plus statuer sur le fond en cas de modification de la Loi fondamentale. Les atteintes à la liberté de la presse ont provoqué une manifestation rassemblant des milliers de personnes devant le siège de la télévision publique hongroise le 4 novembre dernier, pour dénoncer une « machine de propagande ». Le milieu académique ne fait pas exception à la censure. Plusieurs universités étrangères, notamment l'Université d'Europe centrale, sont limitées dans leurs activités. Des dizaines de milliers de professeurs ont manifesté pour s'insurger contre la dégradation du système éducatif. Le pouvoir y impose sa marque autoritaire. Le secrétaire d'État à l'Éducation dépend aujourd'hui du ministre de l'Intérieur, qui est l'ancien chef de la police. Enfin, j'évoquerai la polémique récente liée à l'accueil de l'Ocean Viking. Ces éléments nous interpellent et mettent à mal les valeurs humanistes que nous portons collectivement à l'échelle européenne.

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