Intervention de Brigitte Klinkert

Réunion du jeudi 8 décembre 2022 à 9h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Klinkert, rapporteure (RE) :

Depuis 2011, l'état de droit en Hongrie suscite de vives inquiétudes pour notre communauté européenne. Malgré les alertes nombreuses de la Commission et du Parlement européen, la Hongrie a multiplié les atteintes aux droits fondamentaux, touchant non seulement le fonctionnement du système constitutionnel et électoral mais aussi l'indépendance de la justice, la prévention de la corruption, les conflits d'intérêts, la liberté des médias, la liberté académique ou encore le droit des minorités. En rejoignant souverainement notre Union en 2004, la Hongrie s'est engagée à respecter les valeurs qui nous unissent et qui fondent notre coopération. Force est de constater qu'elle s'éloigne chaque jour un peu plus de notre Union. À travers les nombreuses révisions constitutionnelles et les lois votées depuis 2010, la Hongrie porte gravement atteinte aux valeurs de l'Union européenne consacrées par l'article 2 du TUE. Elle défait petit à petit les principes de l'État de droit au détriment de la population : contrôle des médias, restrictions qui pèsent sur la voix de l'opposition politique, fragilisation de l'indépendance de la justice, corruption, disparition progressive des droits des minorités. Le gouvernement de Viktor Orbán consolide son pouvoir par tous les moyens.

Face à ces atteintes continues, les mesures engagées par l'Union européenne jusqu'à présent sont insuffisantes. Ni les procédures en manquement initiées par la Commission européenne, ni l'activation de l'article 7 du TUE en septembre 2018 par le Parlement européen, n'ont freiné la dérive autoritaire du régime. En conséquence des actions du gouvernement hongrois, les parlementaires européens ont adopté en septembre dernier une résolution, dans laquelle ils estiment que la Hongrie forme désormais « un régime hybride d'autocratie électorale ». La Commission européenne a également réagi en proposant au Conseil de suspendre le versement d'une partie des fonds européens destinés à la Hongrie, à hauteur de 7,5 milliards d'euros, en application du règlement du 16 décembre 2020, qui instaure un mécanisme de conditionnalité d'octroi des fonds européens au respect de l'État de droit. Ces mêmes inquiétudes ont aussi motivé la Commission à retarder sa validation du plan national pour la reprise et la résilience, présenté par la Hongrie. Le 30 novembre dernier, elle a ainsi conditionné le paiement des subventions destinées à la Hongrie dans le cadre du plan de relance européen à la mise en œuvre effective de 27 jalons relatifs à l'indépendance de la justice et à la protection du budget de l'Union.

Le gouvernement hongrois a présenté, à la demande de la Commission, un ensemble de dix-sept mesures correctives pour remédier aux défaillances de l'état de droit. Le 4 octobre dernier, le parlement hongrois a notamment adopté une loi établissant une autorité pour l'intégrité disposant d'importantes prérogatives pour lutter contre la corruption. Il revient à présent au Conseil de se prononcer sur la proposition de suspension des fonds de cohésion au regard des engagements pris par la Hongrie. Il doit le faire avant le 19 décembre prochain.

Face à la menace de se voir priver d'un montant conséquent de financements, la Hongrie utilise son pouvoir de véto pour bloquer l'adoption d'importantes décisions qui requièrent l'unanimité des membres. C'est notamment le cas du programme d'aide à l'Ukraine. Il est ainsi nécessaire de rester vigilant, afin qu'une éventuelle décision de versement des fonds européens ne soit pas le résultat d'un marchandage politique, mais qu'elle résulte bien du constat de progrès réels effectués par la Hongrie pour remédier aux défaillances de l'état de droit.

Je présente cet avis politique afin d'inviter les institutions européennes et les États membres à utiliser pleinement les instruments à leur disposition, pour obtenir des garanties fortes de la Hongrie sur les réformes en faveur de l'état de droit. Notre avis politique appelle par conséquent à ce qu'aucun fonds ne soit versé en l'absence d'un examen minutieux et rigoureux des mesures correctives proposées par la Hongrie pour restaurer l'État de droit. Il en va de la crédibilité de l'action de l'Union alors que le règlement sur la conditionnalité des fonds européens est utilisé pour la première fois.

Enfin, il est primordial que la procédure engagée au titre de l'article 7 du TUE se poursuive tant que la Hongrie n'aura pas pris de mesures effectives pour garantir la liberté des médias, les libertés académiques, l'indépendance de la justice et les droits des personnes. Face à une remise en cause des valeurs qui sont la source même du projet européen, les institutions de l'Union et les États membres doivent démontrer leur détermination à utiliser pleinement l'ensemble des moyens à leur disposition, et se mobiliser pour garantir la protection des droits fondamentaux à travers tout le territoire de l'Union. En effet, l'Union européenne n'est pas seulement une communauté d'intérêts. Elle est aussi une communauté de valeurs.

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