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Intervention de Elsa Faucillon

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

À la lecture de cette proposition de loi, j'ai été immédiatement saisie d'effroi : ce que l'on nous propose ne s'appelle plus la République, c'est un régime dans lequel les policiers pourraient blesser ou tuer sous couvert d'une présomption qui les dispenserait de s'en expliquer. Dans le droit actuel, quiconque blesse ou tue un policier est lourdement sanctionné, et c'est bien normal. Par votre texte, vous signifiez aux familles meurtries, dont un proche a été blessé ou tué par un policier, qu'il n'y aura pas d'enquête et que l'intéressé ne sera pas jugé. C'est d'ailleurs malheureusement trop souvent le cas pour ces familles endeuillées, qui doivent se battre pour obtenir vérité et justice.

La loi du 28 février 2017 a déjà modifié le code de la sécurité intérieure et fragilisé les deux conditions légales d'ouverture du feu : l'absolue nécessité et la stricte proportionnalité. Elle a élargi les conditions d'usage des armes à feu par les policiers, ce qui a conduit à une multiplication des tirs mortels à la suite de refus d'obtempérer. Les tirs sur les véhicules en mouvement, qui représentent près de 60 % du total des tirs effectués par la police française, ont crû de 47 % entre 2016 et 2017. Les chiffres doivent être examinés, à la fois pour évaluer les méthodes employées par les policiers et pour rendre compte aux citoyens et aux familles endeuillées.

Votre proposition de loi s'appuie sur des slogans tels que « le problème de la police, c'est la justice », que l'on a entendus il y a quelque temps, devant l'Assemblée nationale, dans la bouche des représentants de certains syndicats policiers. Heureusement, il y a aussi, dans la police, des personnes qui pensent autrement. David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN-Unsa), estime que la présomption de légitime défense des forces de l'ordre pourrait instiller dans l'esprit de la population l'idée que la police détient un permis de tuer. Selon lui, la loi est bien faite : elle donne aux policiers les moyens, non de tirer, mais de protéger, donc de faire usage de leur arme dans des conditions très encadrées réunissant urgence et proportionnalité.

L'avocat Laurent-Franck Liénard, spécialiste de la défense des forces de l'ordre, voit aussi dans la présomption de légitime défense une mesure dangereuse pour les agents eux-mêmes. Il considère que les policiers n'ont pas besoin qu'on leur remonte le moral en disant qu'ils peuvent tirer sur les gens. Ils pourraient se sentir libérés d'une certaine inhibition et avoir davantage recours à la force, mais ils seraient poursuivis par des magistrats qui, eux, auront toujours une approche restrictive de l'usage de l'arme à feu.

Cette proposition liberticide et inquiétante pour l'État de droit ne nous étonne pas. Elle figurait dans les programmes du Front national depuis les années 1970 et se trouve encore dans ceux de Marine Le Pen et d'Éric Zemmour. Elle s'appuie sur les idées d'« ensauvagement » de la société ou de « grand remplacement », dangereuses pour la société. Voilà pourquoi nous nous y opposerons.

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