Intervention de Marie-Agnès Poussier-Winsback

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Agnès Poussier-Winsback :

Les députés du groupe Horizons sont profondément attachés à la protection de ceux qui protègent. Il n'est pas concevable que le travail et le statut des forces de l'ordre soient dépréciés par des propos choquants tels que « la police tue ». Le travail de ces professionnels est souvent délicat, et les conditions de leurs interventions, complexes.

S'agissant du texte qui nous est soumis, c'est sans surprise que l'on retrouve, dans l'exposé des motifs, le champ lexical du Rassemblement national, des mots destinés à nous faire peur, à nous dresser les uns contre les autres – « l'ensauvagement » de la société, le « réarmement moral ». Je ne crois pas utile d'employer cette terminologie dans une période où l'on devrait plutôt rechercher l'apaisement.

L'instauration d'une présomption de légitime défense au bénéfice de toutes les forces de l'ordre ne semble pas pertinente à plusieurs titres. D'abord, elle n'empêche pas cette présomption d'être renversée si les conditions légales de la légitime défense ne sont pas remplies. Seule la charge de la preuve est inversée : ce serait au défendeur de prouver que l'agent n'était pas en situation de légitime défense. Ensuite, le cadre juridique existant est sécurisant pour les forces de l'ordre et respectueux des principes qui fondent notre État de droit, même dans les cas précis où policiers et gendarmes sont autorisés à faire usage de leur arme. Leur réaction doit toujours être nécessaire et proportionnée. Enfin, cette disposition serait en contradiction totale avec nos engagements européens. La Cour européenne des droits de l'homme impose un encadrement juridique des conditions dans lesquelles les responsables de l'application de la loi peuvent recourir à la force et faire usage d'armes à feu.

La proposition de loi vise également à réintroduire dans le code pénal l'irresponsabilité pénale prévue par le code de la sécurité intérieure pour les policiers et les gendarmes. Ce serait redondant avec le droit actuel, puisque le texte conditionne l'exonération de responsabilité à la satisfaction des conditions posées par le code. Nous ne sommes pas dupes : avec cette proposition, vous entendez envoyer un message politique à certains de vos électeurs. Si le faire savoir est important, il est aussi primordial, à nos yeux, de garder en ligne de mire l'efficacité et la prévisibilité de nos règles juridiques, afin, avant tout, de sécuriser les forces de l'ordre.

Nous resterons toujours attentifs lorsqu'il sera nécessaire d'adapter et de renforcer la loi pour soutenir et protéger les forces de l'ordre. Le Parlement a récemment voté de nouvelles dispositions à cette fin. La loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a, en effet, introduit dans notre droit des mesures d'une grande fermeté à l'égard des personnes ayant commis des infractions graves à l'encontre d'un élu, d'un policier, d'un magistrat ou de tout autre dépositaire de l'autorité publique. En particulier, les intéressés ne peuvent plus bénéficier de crédits de réduction de peine.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Horizons votera contre cette proposition de loi.

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