Il n'est pas question de soutenir ou non les forces de police : nous les soutenons tous ici, et c'est bien normal.
Les observations que je ferai, de nature essentiellement juridique, seront en quelque sorte raccourcies, puisque le rapporteur a lui-même compris que l'article 2 était aussi inutile que dangereux – il a ainsi déposé un amendement de suppression.
Les conditions dans lesquelles les policiers et les gendarmes peuvent être amenés, dans l'exercice de leurs fonctions, à faire usage de leur arme sont fondées sur deux catégories juridiques qui constituent des cas d'irresponsabilité pénale. La première est l'ordre ou la permission de la loi. La seconde est la légitime défense. Il n'y a pas, dans le droit en vigueur, de présomption légale de légitime défense propre aux policiers. En revanche, plusieurs dispositions de l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure prévoient les cas dans lesquels un policier ou un gendarme peut faire usage de son arme.
L'article 1er de la proposition de loi tend à créer un cas de présomption légale de légitime défense propre aux policiers en cas de défense de soi-même ou d'autrui contre une atteinte injustifiée. Cette circonstance résulte de la définition générique de la légitime défense, énoncée à l'article 122-5 du code pénal en des termes identiques, mais – et c'est cela qui doit nous alerter – ne figure plus dans la proposition de loi la précision qu'il n'y a pas de légitime défense en cas de disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte. Or, la règle selon laquelle les lois spéciales dérogent aux lois générales aurait à s'appliquer. Cette proposition de loi destinée aux seuls policiers et gendarmes dérogerait donc à l'article 122-5 du code pénal, et les forces de l'ordre échapperaient à l'obligation commune de proportionnalité, ce qui serait évidemment très dangereux, comme Didier Paris et d'autres avant moi l'ont dit. C'est un cas théorique, bien sûr, mais un policier pourrait, à la limite, utiliser son arme à feu pour se défendre d'un coup de poing.
L'article 1er est, dans le meilleur des cas, inutile et redondant ; dans le pire des cas, il est dangereux. Je ne reviens pas sur l'article 2, puisque je rappelle que le rapporteur lui-même veut le supprimer.
Cette proposition de loi part sans doute de l'intention de mieux protéger les policiers et les gendarmes, qui sont en butte à des attaques de plus en plus nombreuses et souvent de plus en plus organisées. Une telle préoccupation est légitime, et nous la partageons, mais le texte n'apporte pas les réponses qui conviennent. C'est la raison pour laquelle le Modem ne votera pas cette proposition de loi.