Cette proposition de loi du Rassemblement national vise officiellement à instituer une présomption de légitime défense pour les forces de sécurité publique. Or, l'article 1er élargirait tellement les conditions de la légitime défense que celle-ci pourrait s'appliquer à presque tous les cas – je pense notamment à l'affaire Michel Zecler, lequel avait subi des violences policières, et aux gilets jaunes qui ont été éborgnés et mutilés : dans ces cas, on aurait potentiellement pu dire qu'il s'agissait de légitime défense. L'article 2, par ailleurs, supprime les restrictions à l'usage des armes de service des policiers et gendarmes. Comme l'a dit notre collègue de la majorité, cela s'apparente clairement à un permis de tuer donné aux forces de l'ordre.
Je tiens à rappeler certains grands principes consacrés dans notre pays, en m'appuyant sur un ouvrage de policiers, Police, la loi de l'omerta, qui cite dans sa conclusion l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Selon l'article 9 du même texte, « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
La question qui se pose actuellement est celle des refus d'obtempérer. Cette année, douze personnes sont décédées dans ce contexte. L'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme prévoit que « tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance ». Je répète néanmoins ce qui figure à l'article 9 : « toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi », et je rappelle que la peine de mort n'existe pas dans notre pays. Elle a été abolie grâce à l'action de François Mitterrand et de Robert Badinter en 1981. Cela veut dire qu'aucun délit, quel qu'il soit, ne doit normalement se conclure par le décès de celui qui le commet. Dire cela ne consiste pas à avoir la culture du laxisme, de l'excuse ou de l'impunité, comme on l'entend parfois dire. C'est avoir la culture de l'État de droit et du respect de la loi.
Cette proposition de loi est dangereuse et inutile pour les policiers. Je le dis à nos collègues du Rassemblement national : vous n'aimez pas la police, sinon vous chercheriez, comme nous, à ne pas placer les policiers dans des situations où ils se mettent en danger. Il faut, à l'inverse de ce que vous proposez, une stratégie de désescalade, notamment pour la gestion des manifestations. Il faut aussi améliorer l'équipement des policiers et se poser la question de ce qui est fait dans d'autres pays face aux refus d'obtempérer, notamment au Japon, où on utilise des techniques de marquage des véhicules. Ce serait plus utile que de mettre les policiers dans des situations où ils sont parfois en danger. On doit également améliorer la formation à la déontologie et à l'usage des armes, au tir notamment. Il faut, par ailleurs, améliorer la prise en charge post-traumatique. Aucun policier ou gendarme ne tue quelqu'un sans qu'il en résulte pour lui des effets psychologiques. J'invite vraiment à réfléchir sur ce point, au lieu d'explorer d'autres sujets comme vous le faites.
Nous voterons contre cette mauvaise proposition de loi, inutile et dangereuse, et nous avons déposé des amendements de suppression de ses deux articles.