En 2022, cinq cent trente-trois journalistes sont en détention. Chaque année, Reporters sans frontières publie un nouveau record des exactions commises à leur endroit. Cinquante-sept d'entre eux ont perdu la vie, un nombre qui repart à la hausse. Soixante-cinq sont otages et quarante-neuf sont portés disparus.
Il est primordial de défendre la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias au sein de l'Union européenne. À l'heure des infox, de la montée des extrêmes et du repli sur soi, il est crucial que les citoyens européens puissent se forger des opinions éclairées et participer pleinement au débat démocratique grâce à une offre médiatique indépendante et pluraliste.
Ainsi, nous saluons l'initiative européenne visant à établir un cadre commun pour les services des médias dans le marché intérieur, tout en soulignant que la protection des valeurs démocratiques de l'Union européenne doit aller au-delà de cette approche.
Nous saluons cette proposition de résolution européenne qui soutient une initiative nécessaire, mais nous en regrettons le manque d'ambition, s'agissant notamment de la lutte contre la concentration des médias. Alors que le paysage médiatique est de plus en plus concentré, ce qui porte gravement atteinte aux principes de pluralisme et d'indépendance, elle devrait insister sur la nécessité de renforcer les règles anti-concentration.
Par exemple, il serait pertinent de demander plus de clarté sur les seuils prévus. Avec la NUPES, nous avons défendu le mois dernier une proposition de loi du groupe La France insoumise fixant des seuils ambitieux pour empêcher le regroupement de nos médias entre les mains d'un petit nombre d'hommes et de sociétés dont l'activité principale est souvent très éloignée du monde de l'information et de ses principes.
Elle manque aussi d'ambition s'agissant des fournisseurs de services de médias extérieurs à l'Union. À l'heure où la propagande russe est diffusée par les satellites Eutelsat, dans une époque caractérisée par des tensions internationales et des conflits géopolitiques allant croissant, la question de la coopération transfrontalière dans le domaine des chaînes et des services de médias sous l'influence ou le contrôle de pays tiers s'avère cruciale. Elle doit être traitée à l'échelon européen.
Comme le démontre l'affaire Eutelsat, ces médias peuvent causer de graves dommages en termes de désinformation et de propagande d'État, d'incitation à la haine et à la violence, ainsi que de déstabilisation des démocraties européennes. Il est nécessaire de muscler l'acte européen afin de donner à nos régulateurs les outils pour les sanctionner et les interdire.
Nous souhaitons que la proposition de résolution européenne demande l'amélioration, la clarification et le renforcement des dispositions de l'acte européen pour apporter des solutions efficaces aux problèmes que je viens d'évoquer. Le Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels a fait des recommandations en ce sens, que nous vous invitons à suivre.
Surtout, l'alinéa 29 de la proposition de résolution nous pose un sérieux problème. Il s'inscrit dans la suite du débat sur le financement de l'audiovisuel public qui nous a opposés cet été. Il est essentiel de prévoir des garanties permettant d'assurer l'indépendance des médias publics.
Le sens d'un garde-fou, c'est de s'assurer, dans les marges de manœuvre accordées aux États membres, que les principes soient respectés. Souhaiter que ces garde-fous « ne remettent pas en cause les prérogatives des États membres en matière de financement et de désignation des dirigeants des médias publics », c'est nier leur sens même.
Nous l'avons constaté, ce sont ces garde-fous qui ont fait reculer le Gouvernement sur son choix de budgétiser le financement de l'audiovisuel public sans prévoir les garanties nécessaires. Parce que nous défendons haut et fort notre audiovisuel public, nous nous opposons fermement à cet alinéa.
Nous nous abstiendrons sur la proposition de résolution européenne.