Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Roger Chudeau

Réunion du mercredi 14 décembre 2022 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger Chudeau, rapporteur :

Madame la présidente, les fonds sociaux ne sont distribués qu'aux collégiens qui en ont besoin : il ne s'agit donc pas d'une charge supplémentaire.

Monsieur Walter, vous affirmez sans rire que la proposition de loi porte atteinte au principe de gratuité de l'école. Les vêtements portés par les écoliers et les collégiens ne sont pourtant pas gratuits ! Quand l'ont-ils jamais été ?

Vous écrivez dans votre exposé sommaire que « le Rassemblement national propose d'ajouter une dépense » aux frais engendrés par la rentrée scolaire. Cet argument est risible. Chacun sait que les familles investissent des sommes élevées dans les tenues que portent les enfants à la rentrée, à l'école comme au collège. Non seulement il faut renouveler la garde-robe parce qu'ils ont grandi, mais les enfants, très sensibles aux effets de mode, insistent pour avoir des vêtements et chaussures de marque, qui sont très onéreux. Faut-il que vous ayez perdu contact avec les réalités des classes populaires pour prétendre qu'une tenue uniforme serait plus onéreuse que des vêtements de marque !

Aux Antilles, où la tenue vestimentaire réglementée est largement répandue, à la demande des familles, le coût moyen d'un tee-shirt est de 8 euros, voire 10 euros lorsqu'il est floqué : c'est sans comparaison avec les marques. Loin d'ajouter une dépense, la proposition de loi soulage les finances de nombreuses familles.

Le vêtement est un marqueur social – votre groupe en fait d'ailleurs un marqueur politique dans l'hémicycle. Un vêtement n'est jamais neutre : il dit quelque chose sur celui qui le porte, notamment sur le plan social. Ne voyez-vous pas que les vêtements divisent les élèves et attisent les rivalités ? Qu'ils sont source de ressentiment, voire de violence ? La tenue uniforme d'établissement a pour but de gommer les différences, de ne plus désigner des enfants mais de transformer symboliquement l'enfant en élève.

Quant à la concurrence entre établissements, l'idée est complètement saugrenue. Les bagarres entre bandes d'élèves reposent toutes sur une appartenance ethnique ou sur des luttes de territoire. Elles n'opposent pas des écoliers ou des collégiens sur la base de leur établissement scolaire. Il n'y a pas de concurrence dans l'enseignement public, puisque les élèves sont affectés par l'autorité administrative selon des critères territoriaux.

Madame Rilhac, vous notez dans votre exposé sommaire que le ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse a changé d'avis, ce que chacun peut constater. Le groupe Renaissance lui-même a connu des débats assez tendus sur le sujet : je l'invite à poursuivre sa réflexion dans le bon sens.

Puisque rien ne s'oppose à ce qu'une école ou un collège décide d'adopter une tenue uniforme, il suffirait selon vous de laisser le temps faire son œuvre pour que la décision se généralise. Ce point de vue libéral ignore le fond du problème : notre système éducatif est en voie de déclassement. L'école va mal. Elle est soumise à la double pression du marché et, à un moindre degré, des islamistes, dans les territoires perdus de la République.

L'obligation du port d'une tenue réglementaire et uniforme d'établissement est un début de réponse à ces problèmes. Je n'ai jamais prétendu offrir une réponse universelle. Les enfants entrent aujourd'hui à l'école enveloppés dans la gangue de leur culture familiale. Jules Ferry avait rendu l'instruction obligatoire pour arracher les enfants, notamment les filles, à l'influence de leur famille et de l'Église catholique. Lisez le rapport d'Aristide Briand sur la loi concernant la séparation des Églises et de l'État, qui expose comment la République s'est construite contre l'Église.

Aujourd'hui, nos enfants sont exposés à la pseudo-culture, au salmigondis de la mode, du marché, des réseaux sociaux ou, pire encore, de la propagande de l'islamisme radical. En rendant obligatoire le port de l'uniforme, nous rétablissons le statut d'élève dans sa force et dans sa noblesse. Nous ne voulons pas que soient importés jusqu'au sein de notre école le fatras et le vacarme des luttes de mode, des marques ou des tenues religieuses. L'État, qui, aux termes de la Constitution, définit et conduit l'action éducatrice, a le devoir d'en protéger son école et les élèves. Il s'agit non d'étendre un droit mais d'instaurer un devoir, ce qui, pour des élèves, a une valeur éducative indéniable.

La proposition de loi n'est pas autoritaire ou rétrograde. Elle est novatrice, car notre pays n'a jamais connu l'obligation du port de l'uniforme pour tous les élèves. Elle est aussi très souple dans son application, puisqu'elle donne à chaque école ou collège le choix de la tenue réglementaire d'établissement. L'autonomie des établissements peut donc s'exercer, mais dans le cadre d'une loi protectrice de l'école de la République.

Monsieur Raux, votre exposé sommaire souffre de certaines contre-vérités et incohérences. Non la proposition de loi ne réintroduit pas l'uniforme à l'école, puisque cette obligation n'a jamais existé – la blouse est un vêtement de protection, non un uniforme. Elle est donc novatrice. Elle est une première réponse à la situation nouvelle dans laquelle se trouve notre école.

Vous écrivez que le texte entend « mettre sous le tapis l'appartenance sociale, ethnique, religieuse, culturelle » des élèves. Non, il veut seulement que les signes extérieurs d'appartenance soient effacés lorsque l'enfant, en entrant dans son école ou son collège, devient un élève. Il entre alors dans le sanctuaire du savoir et de la transmission – là où, selon Jean Zay, « les querelles des hommes ne pénètrent pas ». En revêtant sa tenue réglementaire, définie par l'établissement, il affiche symboliquement son adhésion et son respect pour l'institution qui l'éduque et enseigne.

L'écolier peut et doit être fier de son établissement. Vous osez affirmer que l'appartenance à un établissement d'éducation prioritaire serait stigmatisante. Par quelle inversion perverse des valeurs arrivez-vous à pareille affirmation ? L'élève de REP sera fier de son établissement, qui est souvent, dans son quartier, le seul service public, la seule institution qui porte à son fronton la devise de la République. Ne croyez-vous pas cela préférable à la loi des bandes et à la pression islamique, auxquelles les familles et les élèves désirent échapper ?

La conclusion de votre exposé sommaire laisse sans voix, tant elle est déplacée. Pensez-vous vraiment qu'empêcher le port des abayas et des qamis soit de « l'islamophobie nationaliste » ? C'est vraiment inepte.

Avis défavorable aux amendements de suppression.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.