La génération de nos parents a construit la France moderne. Comprenant que l'électricité était essentielle au progrès humain et à la prospérité de notre pays, nos prédécesseurs en ont fait une mission régalienne ; ils ont électrifié la France et développé l'hydroélectricité, qui n'a pas de place dans le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. En France, cette génération avait conscience que l'électricité n'était pas un bien de consommation comme un autre.
Nous n'en avons plus conscience aujourd'hui. Pour nous, l'énergie c'était comme l'air que nous respirons jusqu'à ce que nous fassions la cruelle expérience de voir qu'elle pouvait faire l'objet de spéculations et d'une concurrence violente. Nous en mesurons le prix : nous sommes face à nos contradictions et aux conséquences de nos choix. À la décharge des politiques qui ont sacrifié Superphénix, la même année d'ailleurs que le projet de canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin dans mon département, il est difficile de gouverner contre l'opinion publique, marquée par Tchernobyl.
Nos ressources ne sont pas inépuisables, et nos déchets doivent être gérés : l'économie circulaire est indispensable à la survie de notre planète. Or nous avons la capacité de gérer les déchets pour en faire une énergie. Les réacteurs à neutrons rapides et refroidissement au sodium sont en effet capables de transformer les déchets en ressources, en utilisant le plutonium issu des combustibles usés et l'uranium enrichi. Les combustibles solides de récupération (CSR) ont pareillement toujours le statut de déchet en France.
Construire la filière n'était pas aisé, mais cela a été fait, avec une véritable volonté – d'autres le font aujourd'hui, comme la Russie ou la Chine, qui progresse à pas de géant.
Alors que les EPR devraient être prêts en 2040, quelle pourrait être la place des réacteurs à neutrons rapides ? Comment consolider et remettre en place la filière nucléaire, alors que nous avons perdu notre culture nucléaire, en ne construisant plus de centrale depuis longtemps ? Nous manquons notamment de soudeurs à la base : il faut investir dans la formation mais surtout, dans la motivation de nos jeunes, qui ne sont plus autant passionnés par l'énergie nucléaire qu'il y a vingt ans.
Les scientifiques sont peut-être trop silencieux : il faudrait qu'on les entende davantage et qu'ils fassent plus de politique.