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Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du mercredi 14 décembre 2022 à 15h00
Accélération de la production d'énergies renouvelables — Article 11 decies (précédemment réservé)

Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique :

Je salue d'abord le travail des députés sur cette question. Je rappelle ensuite que pour l'heure, l'agrivoltaïsme n'est nullement réglementé. Le texte vise précisément à encadrer et à resserrer cette pratique, pour faire en sorte que l'agrivoltaïsme reste bien une activité au service des agriculteurs et ne devienne pas un prétexte pour les transformer en énergéticiens ou faire de leurs exploitations des propriétés énergétiques. Soyons clairs sur ce point.

Dans le cadre de ce projet de loi, nous reprenons une proposition de loi relative au développement de l'agrivoltaïsme adoptée à la quasi-unanimité au Sénat, que nous avons améliorée en commission puis avec l'amendement n° 2996 du rapporteur dont nous allons bientôt discuter.

J'aimerais revenir sur plusieurs points. Tout d'abord, on reproche à ce projet de loi de ne pas aller assez loin s'agissant des surfaces artificialisées. Je répondrai très factuellement que nous avons multiplié par deux les obligations liées à l'équipement des toitures et créé une obligation d'équiper d'ombrières les parkings à partir d'une certaine surface – nous avons d'ailleurs ensuite abaissé de 80 % le seuil au-delà duquel s'appliquera cette obligation.

Par un hasard de calendrier, j'ai rencontré aujourd'hui des représentants de la grande distribution et de la CPME, la Confédération des petites et moyennes entreprises, afin de discuter du plan Sobriété énergétique. Il s'agit de deux types d'entreprises très différentes, mais les uns comme les autres m'ont parlé de ces obligations – non parce qu'ils refusent de s'y soumettre, mais parce qu'ils se demandent quand, où et comment ils pourront le faire. S'ils n'y sont pas hostiles – ils en acceptent plutôt le principe –, ils ont fait part d'inquiétudes légitimes en ce qui concerne le calendrier.

En effet, la question qui se pose n'est pas celle de l'envergure d'un tel projet, mais bien celle de son calendrier. Je vous confirme que la Président de la République souhaite multiplier par dix la capacité de production d'énergie solaire d'ici à 2050. Un des enjeux de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie, la PPE, sera de trouver une manière de parvenir à augmenter cette capacité de production et de savoir si elle sera multipliée par dix, par cinq ou par vingt.

Le projet de loi dont nous discutons, qui porte sur les procédures administratives, prévoit que les zones artificialisées utilisées seront multipliées par deux. Nous avons peu évoqué au cours de nos débats les zones dégradées ou délaissées, mais nous les avons également prises en considération – avec votre appui, d'ailleurs.

Par conséquent, je ne peux pas vous laisser dire que nous n'avons pas travaillé sur cette question. Si nous avons décidé de ne pas cibler toutes les surfaces, c'est parce que nous avons fixé des objectifs à des échéances proches, 2025 ou 2028. Mais nous sommes d'accord pour dire que d'ici à 2050, les surfaces concernées seront plus nombreuses – je pense notamment aux bâtiments existants. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.

D'autre part, la question de la planification énergétique – que Mme Trouvé appelait de ses vœux tout à l'heure – sera abordée dans le cadre de la loi « énergie-climat » qui vous sera présentée dans quelques mois. Considérez-vous qu'il faut s'asseoir sur le débat public que nous menons actuellement avec l'ensemble des Français dans toutes les régions – car il ne se déroule pas uniquement en ligne, mais aussi sur les territoires – et que nous ne devrions pas écouter nos concitoyens ? Pour ma part, je ne le crois pas : le temps du débat public, tout comme celui que requiert la préparation de la loi, sont importants. En revanche, vous serez amenés à vous prononcer sur les objectifs pour chacune des technologies.

Nous lançons par ailleurs un processus de planification qui remet les élus au cœur du dispositif. Soit ils jouent le jeu, et dans ce cas ils auront le droit de définir des zones d'accélération, dans des proportions importantes, ainsi que des zones de limitation, dans des proportions moindres. Soit ils ne jouent pas le jeu, et dans ce cas, comme vous le dites, la vie continue. Mais d'après ce que j'entends sur le terrain, les élus veulent jouer le jeu.

Nous avons eu une divergence à propos du lancement du plan Sobriété énergétique. Lorsque nous l'avons annoncé, vous avez estimé que nous avions tort de faire confiance à nos concitoyens, parce qu'ils n'appliqueraient jamais des mesures reposant sur le volontariat. Or, trois mois après, notre consommation d'énergie a baissé de plus de 10 % et notre consommation de gaz de 10 %. Même si nous n'avons pas encore atteint ces chiffres s'agissant du carburant – nous manquons de toute façon d'instruments de mesure pour le savoir –, je tenais à le signaler.

Ce n'est pas uniquement une question d'argent, car même des entreprises qui bénéficient du bouclier énergétique n'ont pas encore vu leurs factures d'électricité ou de gaz s'envoler. Cela montre bien que la méthode consistant à faire confiance aux gens sur le terrain paie. À l'inverse, si l'on impose à des élus locaux des objectifs avec lesquels ils ne sont pas d'accord, on ne favorise pas l'accélération des projets, a fortiori si l'on met à leur disposition de multiples leviers pour initier des contentieux.

M. le rapporteur a déjà donné de nombreux éléments de réponse à propos de l'agrivoltaïsme ; je n'irai pas plus loin.

M. Potier et Mme Trouvé ont évoqué le lien qui peut exister entre les enjeux énergétiques et l'équilibre économique – si l'on prend en considération, par exemple, le fermage et le coût du foncier. C'est une très bonne question. Je m'engage à l'étudier avec le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire – ce sujet entre davantage dans son champ de compétences. Au passage, je vous rassure : il n'est pas nécessaire de publier un décret pour lancer une mission.

Si cette question n'est pas l'objet du projet de loi dont nous discutons actuellement, cela ne signifie pas pour autant que nous ne devons pas la traiter. À quel moment risque-t-on de déstabiliser le système du fermage agricole par rapport à d'autres manières de valoriser le foncier ? C'est une très bonne question. Sur ces sujets, l'objectif que nous partageons est la protection de notre souveraineté alimentaire : nous ne voulons pas qu'une terre cultivable ou utilisable pour de l'élevage soit exploitée vainement à d'autres fins. C'est très exactement ce à quoi nous veillons ; c'est même l'objectif de ce projet de loi.

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