Le BRGM est un établissement public français à intérêt commercial créé en 1959. Il remplit une double fonction : il s'agit d'un établissement de recherche sous tutelle du ministère de la recherche, en charge de développer des programmes sur les usages, les ressources et les risques du sous-sol. Par ailleurs, le BRGM assure le rôle de service géologique national, et capitalise l'ensemble des connaissances sur le sous-sol de notre territoire et sur les besoins en ressource de notre société et de notre industrie.
Nous sommes particulièrement engagés dans la question de l'usage du sous-sol pour la transition énergétique. Doté de ressources et représentant un espace de stockage, le sous-sol est un lieu important de déploiement de la transition énergétique. Par ailleurs, nous puisons de longue date nos ressources minérales dans le sous-sol pour construire notre industrie et fabriquer les objets de notre quotidien.
Trois grands moteurs conduisent à une augmentation significative des besoins en ressources minérales. Tout d'abord, la croissance d'un certain nombre de pays se poursuit sous l'influence de l'augmentation de leur population. De plus, l'ensemble des pays du monde sont concernés par le déploiement de deux transitions, à savoir la transition énergétique pour se départir des ressources fossiles et utiliser des énergies décarbonées, et la transition numérique. Or, l'une et l'autre de ces transitions font appel à des quantités de ressources minérales de plus en plus importantes et diversifiées, et qui nécessitent des degrés de pureté toujours plus élevés. Alors que le monde du début du XXe siècle s'appuyait sur moins d'une dizaine de métaux pour construire tous les objets de la vie quotidienne, une soixantaine de ces métaux est désormais nécessaire, et l'intégralité des éléments chimiques auxquels nous avons accès sur la planète sera probablement employée dans les décennies à venir.
Les technologies que nous devrons déployer dans le cadre de la transition énergétique sont particulièrement consommatrices de ressources minérales. La capacité de production d'une éolienne offshore nécessitera en effet six fois plus de ressources minérales qu'une installation de production électrique à partir du charbon — qui est la source principale d'électricité à échelle mondiale — par mégawattheure installé. De même, un véhicule électrique contient six fois plus de métaux qu'un véhicule thermique. Nous sommes donc confrontés à un véritable mur en matière d'augmentation des besoins en ressources minérales de manière à répondre à ces enjeux de transition énergétique. L'AIE estime ainsi que d'ici 2040, nous aurons besoin de quarante fois plus de lithium, vingt fois plus de nickel ou de cobalt et sept fois plus de terres rares, à fonctions constantes. Il est donc crucial de s'interroger sur la manière dont nous pourrons nous approvisionner en ces ressources pour déployer correctement ces transitions.
Au-delà du cobalt, du lithium, du nickel et des terres rares fréquemment évoqués dans les débats, les besoins en métaux sont très variés. De nombreux éléments chimiques seront nécessaires pour la transition numérique et la transition énergétique, sans doute en quantités moins importantes que ceux précédemment cités, mais dont le rôle sera néanmoins crucial. La demande en ressources minérales connaît ainsi une forte augmentation tant quantitative que qualitative. Pour déployer ces transitions, on estime qu'il faudra exploiter d'ici le milieu du siècle autant de ressources minérales du sous-sol que ce qui en a été extrait depuis le début de l'âge du fer.
De nombreuses ressources minérales utilisées en France et en Europe, comme le lithium, le cobalt et les terres rares, sont intégralement importées. L'Europe ne dispose pas ou plus de mines pour extraire ces ressources, ni d'industries pour les raffiner. Ces dernières ont été transférées vers des pays tiers depuis plusieurs décennies, en raison du coût de main-d'œuvre peu élevé et de la moindre prise en compte des impacts environnementaux qu'ils induisent dans ces pays. En résulte une forte dépendance pour l'accès à ces ressources, ainsi que des questionnements éthiques.
Les investissements dans l'industrie minérale à échelle mondiale sont colossaux. Ils dépassent les 1000 milliards de dollars. Cette mobilisation concerne cependant relativement peu notre pays. Par ailleurs, malgré l'ampleur de ces investissements, on estime qu'il sera difficile de répondre à la demande en temps et en heure, en raison du rythme soutenu de croissance vers la transition énergétique. Nous aurons besoin de quarante fois plus de lithium d'ici 2040, ce qui nécessitera l'ouverture d'un nombre très important de nouvelles mines dans des délais particulièrement contraints. Pour une bonne partie de ces ressources, plus que leur disponibilité, l'enjeu concerne la capacité à y avoir accès rapidement afin de respecter les échéances des trajectoires économiques et industrielles, par exemple pour la mobilité électrique.
Le Gouvernement a lancé un certain nombre de réflexions en ce sens. Ainsi, Philippe Varin a remis un rapport début 2022 au Gouvernement proposant un certain nombre de pistes d'actions. Quatre leviers doivent être actionnés collectivement. Tout d'abord, nous avons constaté un manque de connaissances précises des chaînes d'approvisionnement, des chaînes de valeur minérales, qui sont extrêmement complexes. Avec un certain nombre d'établissements partenaires, dont l'Ifpen, nous avons pris l'initiative de créer un observatoire national sur les ressources minérales (Ofremi). Il sera financé pour partie par les pouvoirs publics, notamment pendant la phase d'amorçage par le programme France 2030, et par les filières industrielles, qui seront les premières clientes de l'information qu'il fournira. Cet observatoire aura pour objectif de décrypter, comprendre, connaître et simuler l'ensemble de ces chaînes de valeur afin de donner à la filière industrielle la visibilité dont elle a besoin pour décider de ses investissements. L'observatoire mènera en outre un travail de prospective sur l'évolution de la demande. Enfin, il informera les pouvoirs publics et les filières industrielles des risques de rupture des chaînes d'approvisionnement, liés à des événements climatiques, sociaux, logistiques ou géopolitiques. Le conflit en Ukraine a donné plus d'acuité à ces questions.
Le deuxième levier d'action concerne le recyclage et l'économie circulaire. Les objets en fin de vie, les rebuts industriels constituent des matières réutilisables disponibles sur notre territoire. Le développement d'une industrie dans ce domaine représente également un moyen de reconquérir une partie de notre souveraineté et de relocaliser l'activité industrielle plutôt que de renvoyer ces déchets dans des pays tiers. Toutefois, le recyclage ne permettra jamais de couvrir l'ensemble de nos besoins. Il s'agit donc d'une étape indispensable, mais insuffisante.
C'est la raison pour laquelle le redéveloppement d'une industrie minière européenne s'impose comme un nouvel enjeu. Ces mines devront respecter différents standards applicables aux mines responsables, afin de limiter au maximum leur impact environnemental. Il faudra également les co-construire en lien avec les populations locales. Le sous-sol européen est encore riche en ressources. L'inventaire minier, à savoir l'inventaire des ressources disponibles dans le sous-sol français, date d'une cinquantaine d'années, et il a été réalisé avec des moyens limités. Il fournit le détail des ressources jusqu'à une profondeur de 300 mètres seulement, alors qu'il est désormais possible d'extraire des minerais jusqu'à 1000 mètres de profondeur. La France est par exemple particulièrement bien dotée en lithium. À ce titre, l'industriel Imerys a annoncé un projet d'ouverture de mine de lithium à Échassières, dans l'Allier, d'ici 2027.
Cependant, d'après la moyenne des projets mondiaux menés depuis quinze ans et les chiffres avancés par l'AIE, dix-sept années sont nécessaires entre la décision et l'ouverture d'une mine. Ce long travail doit donc se faire en tenant compte du cycle de vie des matières, des contraintes environnementales, et en impliquant les populations locales. La France joue un rôle actif pour faire émerger une régulation internationale à ce sujet et la mettre en œuvre dans tous les projets auxquels elle pourra être partie prenante.
Enfin, il est certain que les sous-sols français et européen ne pourront nous assurer la fourniture de toutes les ressources dont nous aurons besoin. Il restera nécessaire de procéder à des importations, y compris à très long terme. Cela suppose la mise en place de démarches concertées entre les pouvoirs publics et les acteurs privés. C'est la raison pour laquelle une diplomatie des ressources minérales est actuellement structurée sous l'égide du ministère des affaires étrangères.